jeudi 28 mars 2013

Lettre à Monsieur le Préfet






Lettre envoyée ce soir du jeudi 28 mars, et dont voici ci-dessous la reproduction :




Monsieur le Préfet, 



Par voie électronique, j’ai reçu ce jeudi soir une invitation en provenance de votre cabinet afin de «participer à la réunion relative à la situation en matière d’hébergement transitoire au profit notamment des 12 familles du campement de Ris-Orangis le mardi 2 avril prochain à 10h00». Vous savez combien l’association PEROU dont je coordonne les actions accueille avec le plus grand intérêt ce projet certainement exemplaire qui, à ces familles ne connaissant depuis des années que la mendicité et le bidonville, offre enfin l’espoir d’une citoyenneté européenne de plein droit, d’une intégration républicaine, et d’un avenir heureux parmi nous. Vous savez combien nous souhaitons soutenir cette initiative, lui donner ses meilleurs chances de réussite, et contribuer avec nos compétences à l’accompagnement des familles comme à leur installation dans des conditions enfin décentes. Tous nos efforts déployés depuis des mois sur ce bidonville, tout l’enthousiasme et la détermination que nous y avons investis, visaient et visent encore un tel horizon, vous n’en doutez pas. 


Vous n’êtes cependant pas sans savoir que, depuis mardi 26 mars, chaque jour qui passe voit défiler Place de l’Ambassade des dizaines de membres de forces de l’ordre. Vous n’êtes pas sans savoir qu’aux familles vivant ici, on souhaite ainsi porter l’information de l’imminence de leur «évacuation» : vendredi 29 mars leur dit-on, le Maire de Ris-Orangis publiera un arrêté d’expulsion qu’il aura pris soin de motiver pour «péril imminent» ; mardi 2 avril, leur explique-t-on, vous Monsieur le Préfet mettrez à exécution cet arrêté et l’on se chargera alors de procéder à leur expulsion. Ces campagnes d’information, vous vous en doutez bien, terrorisent les familles, et en premier lieu les enfants, dont certains deviendront peut-être sur notre sol d’éminents savants, artistes, hauts fonctionnaires, ou hommes politiques. Depuis le mardi 26 mars, tout semble de nouveau défait, l’espoir en tout premier lieu. A partir du mardi 2 avril, tout sera à refaire pour la majorité des personnes vivant aujourd’hui ici, et qui demain chercheront non loin un nouveau refuge comme nous le savons tous. 


Aussi, vous comprendrez aisément que ce mardi 2 avril ma place sera non à la Préfecture, mais auprès des familles : là, avec bien des compagnons de route du PEROU, nous nous efforcerons de les accompagner dans cette épreuve dont personne sans doute n’imagine la violence. Certes, étant donné que vous vous y êtes engagé, je ne peux encore abandonner l’espoir de voir la circulaire du 26 août pleinement appliquée. Je ne peux donc encore abandonner l’espoir de voir les acteurs publics aujourd’hui mobilisés proposer à chacune des familles, avant toute opération de destruction du bidonville, une réponse digne de ce nom, leur assurant la stabilité et l’insertion qu’elles appellent de leurs voeux, comme l’a souligné l’enquête sociale organisée par vos soins. Je ne peux donc encore abandonner l’espoir de vous voir refuser de mettre à exécution cet arrêté qui, en plus de faire obstacle au processus vertueux engagé sous votre responsabilité, demeure infondé en droit, comme vous ne pouvez manquer de le savoir. La coopération du PEROU auprès de vos services ne peut s’entendre que dans un état d’esprit positif, que dans un contexte apaisé, comme ce fut jusqu’à présent le cas. Mardi 2 avril, si vous veniez à effectivement exécuter cet arrêté injustifiable, nous ne saurons où trouver la paix, pas plus qu’un état d’esprit positif.


Je vous prie de bien vouloir accepter, Monsieur le Préfet, l’expression de mes sentiments les plus républicains.



Sébastien Thiéry

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire