S'en référant à l'enquête photographique accompagnant le rapport de police municipale du 14 mars 2013, l'auteur de l'Arrêté municipal n°2013/147 exigeait la sévérité la plus radicale à l'endroit des familles vivant dans le bidonville de la Nationale 7 en raison, notamment, de leur "accumulation de matières fécales". Le 3 avril 2013 vinrent les pelleteuses. Les familles, à l'exception de 10 ayant rejoint la "base de vie" et le projet d'insertion alors mis en place, se sont installées à Grigny.
S'en référant à plusieurs enquêtes diligentées sur le terrain de la Folie entre mai et juin 2013, l'avocat de la Mairie de Grigny plaidait le 15 novembre 2013 la "libération du terrain" au motif, entre autres, qu'il était inconcevable de laisser proliférer "déchets et excréments". D'ailleurs, insistait-il à trois reprises, ce terrain a une "vocation économique" et mérite l'installation, propre à n'en pas douter, d'un centre commercial "vital pour la survie de la commune". Le 5 août 2014 vinrent les pelleteuses. Les familles, à l'exception de 6 ayant à leur tour rejoint la "base de vie", se sont de nouveau installées à Ris-Orangis, rue de Fromont.
S'en référant à une page wikipedia très bien illustrée, l'avocat du propriétaire du terrain dit de Fromont a le 25 novembre dernier ainsi plaidé : considérant qu'un être humain produit 200 grammes de "déjections fécales" par jour, considérant le nombre de personnes installées rue de Fromont et les jours passés à déplorer cette installation, force est de considérer qu'il y en a tout de même 2,5 tonnes. Très prochainement viendront les pelleteuses. Les familles, sans exception cette fois-ci, s'installeront de nouveau à Grigny dont les édiles redoutent sans aucun doute déjà de nouveaux emmerdements.
Nous avons ici beaucoup écrit quant à ce que nous pensons de ces scatologues associés, du Maire de Ris-Orangis déplorant l'action "impressionniste" du PEROU lorsque nous construisons des sanitaires, au premier adjoint de Grigny s'indignant : "Vos toilettes sèches c'est du sparadrap !". Bien que rien n'ait été écrit ici à leur sujet depuis quelques mois, nous n'en pensons pas moins, sans parler de l'indécence que représente désormais le million d'euros qui aura été nécessaire à ces trois expulsions de ce qui ne leur apparaît manifestement que comme quelques rebuts humains.
Nous n'avons en fait pas cessé d'écrire depuis : au sujet du jeu des acteurs précisément, politiques, militants, associatifs, jeu douteux, d'une propreté relative, puant concluront certains, très instructif quoi qu'il en soit. Ces écrits constituent le contenu d'un rapport que nous délivrons ces jours-ci aux deux partenaires de l'action conduite en Essonne : le PUCA et la Fondation Abbé Pierre. Ces écrits, nous en ferons sans doute un livre dans les mois à venir, tant il nous paraît nécessaire de transmettre, pour reprendre le travail, et construire enfin.
Avant de transmettre à d'autres, nous nous efforcerons de transmettre aux familles avec lesquelles nous avons oeuvré ces deux années : des outils, des savoirs. Demain jeudi 4 décembre à 18h aux Caves Dupetit Thouars, nous présentons à la presse "La Passerelle", imagier trilingue dessiné par les enfants du bidonville, coordonné par Joana Zimmermann et Victoria Zorraquin, et offert aux écoles qui le souhaitent (voir le site du projet ici). Le 16 novembre dernier, nous l'offrions aux enfants, ainsi intronisés auteurs de leur tout premier livre, de cet outil leur permettant de créer des liens par le jeu avec de nouveaux camarades de classes. S'il y avait une "question Rom", ces enfants en seraient la réponse enthousiasmante ô combien.
Photos : Max Bruno |
A l'Association de la Folie en Essonne, association constituée par les familles à Grigny en juin dernier, nous remettrons un autre cahier, une autre passerelle, un autre outil de création de lien : le résultat des travaux réalisés par les équipes d'architectes accueillies en résidence dans le bidonville en juin dernier, travaux consistant à tracer des perspectives de projets de lieux de vie enfin hospitaliers (ci-dessous, les éléments livrés par le Sixième Continent). Ainsi pourront-ils, et nous les y aideront, rencontrer ceux qui parmi les acteurs locaux sont usés par des années de politiques publiques insensées. Le PEROU a oeuvré dans ce sens là : expérimenter pour que des outils en émergent qui puissent être saisis par celles et ceux qui souhaitent répondre autrement à la "question du bidonville". Car telle est la question posée, question majeure, encore à peine frémissante en Europe, mais en devenir.
En Essonne, nous avons tenté de sortir de l'ornière de la "Question Rom", et de peupler autrement la scène accaparée par "pro et anti Rom" afin qu'émerge enfin cette question. A l'évidence, nous n'avons aucune envie qu'apparaisse cette question, ivres que nous sommes de la religion selon laquelle c'est la métropole qui miroite devant nous, non le bidonville. Il s'agirait peut-être qu'une pensée urbaine sécularisée advienne enfin, nous permettant de reprendre pied avec le réel, pas forcément agréable, certainement composé aussi de matières fécales, d'excréments et de déjections, et d'y faire face autrement que par la déni. Au PEROU, ailleurs comme ici, nous poursuivrons cette ambition de simplement refaire face. Et d'inventer alors.
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