mercredi 26 février 2014

Le livre du PEROU


Le 29 mars dernier, le Maire de Ris-Orangis signait l'Arrêté municipal n° 2013/147 qui allait faire se précipiter trois jours plus tard les pelleteuses sur le bidonville dit de la "Nationale 7", renommé par nos soins "Place de l'Ambassade". Le 14 mars prochain, soit moins d'un an plus tard, nous publions Considérant qu'il est plausible que de tels événements puissent à nouveau survenir, ouvrage dans lequel, in extenso, est reproduit cet arrêté. Ainsi s'agit-il de rendre public un acte nous engageant collectivement, puisque signé par un élu de la République. Ainsi s'agit-il de donner ce texte de 8 pages à lire, à scruter, à comprendre autant que faire se peut, exercice démocratique fondamental puisqu'il s'agit bien de saisir ce qui s'énonce en notre nom. Tel exercice nécessite, par définition, culture de la plurivocité en opposition à ce que ce texte porte de sens unique. Nous avons alors adressé cet Arrêté municipal à trente auteurs en leur proposant de le "traduire" dans leur propre langue. Le résultat est peu commun : philosophes, architectes, poètes, artistes, traducteurs, et autres metteurs en scène brisent l'édifice, et l'ouvrent à une prise multiple, joyeuse, rageuse, sensible, ou encore clinique. Le résultat est peu commun : ce texte a priori conçu pour ne pas être lu nous apparaît, à la force des 320 pages qui composent cet ouvrage manifeste, comme monument de notre misère politique contemporaine, condensé de tous nos abandons. Telle lecture produit alors comme un appel à toutes les ripostes non seulement possibles mais nécessaires. 

Le livre est en pré-vente sur le site de Post-éditions, toute nouvelle maison qui fait non seulement preuve de courage mais de talent, et qui ouvre ainsi un catalogue promis à grand avenir. Pour l'accompagner dans telle aventure, ne pas hésiter à acheter le livre dès aujourd'hui : à 14 euros jusqu'au 14 mars - livré cette date au plus tard -, date de sortie en librairie où il sera vendu 17 euros. Se rendre directement ici. Ou télécharger et renvoyer le bulletin ci-joint. 






PS : Dans le même temps, dans un autre espace certes mais sous les mêmes cieux politiques, sort le numéro 2 du Journal des Jungles réalisé en collaboration avec la Plateforme de Service aux Migrants (PSM) et le laboratoire de recherche "Design Information Ville et Société" (voir ici) de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD). Notamment à partir de la collecte des voix étouffées des dits "migrants", et leur publication au revers de ce journal grand format, comme une affiche frappée en particulier de l'une de ces paroles inouïes : "I'm here, so hear me". Une autre manière de rendre visible l'invisible, à l'égal de l'Arrêté municipal de Ris-Orangis, texte inouï s'il en est.







Journal des Jungles. Photos : Afrouz Razavi

vendredi 21 février 2014

Par les actes, nous nous opposons (week-end 4)


Il y a dix jours, un feu se déclarait dans un bidonville de Bobigny, sans d'ailleurs que la moindre enquête soit conduite afin d'en établir la cause. Une fillette de 8 ans y trouvait la mort. Les familles, accablées, étaient expulsées quelques heures plus tard.
Eric Fassin, dans l'ouvrage collectif qu'il publie cette semaine aux éditions La Fabrique (Roms et riverains. Une politique municipale de la race) analyse ce qui tient lieu aujourd'hui de politique à l'endroit des bidonvilles : laisser se dégrader la situation jusqu'à ce que l'expulsion s'impose, ou rendre le quotidien des familles invivable jusqu'au cauchemar afin que l'auto-expulsion s'impose.
Par les actes, nous nous opposons à telle lâcheté. C'est pourquoi, inlassablement, nous avons construit à Ris-Orangis. C'est pourquoi inlassablement nous construisons à Grigny. C'est pourquoi nous avons installé 22 extincteurs le week-end dernier sur les baraques du bidonville de la Folie. Pour éviter le pire. Ce que, si tant est que nous demeurions en République, toute municipalité se devrait de faire. Exactement, il nous en a coûté 437 euros.







22 extincteurs, pour éviter le pire.
Photos Margot Crayssac et Mabel Miranda


Il y a un an à Ris-Orangis, une "enquête sociale" déterminait qui serait digne de ne plus subir le harcèlement et la violence, et qui ne l'était définitivement pas. Un tiers des personnes avec lesquelles nous travaillions alors furent considérées aptes à l'insertion : elles furent régularisées, et établies dans un lieu de vie temporaire à Ris-Orangis. Les deux tiers, soit une centaine de personnes, furent jugées inaptes, condamnées à connaître jusqu'à l'épuisement la férocité des pelleteuses.
Par les actes, nous nous opposons à tel délire. La semaine dernière, dix étudiants de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs nous ont rejoints sur le terrain, accompagnés jusqu'à nous par le designer Ruedi Baur et l'anthropologue Francesca Cozzolino. Ils ont rencontré une quinzaine de jeunes adultes, leur ont confectionnés des CV, des cartes de visite, des documents leur permettant de tisser des liens avec les entreprises et institutions alentour. Ce que, si tant est que nous demeurions en République, toute collectivité se devrait de faire. Exactement, il nous en a coûté quelques gâteaux partagés le jour du rendu de ce travail, à savoir samedi dernier.



Samedi 15 février, La Folie Grigny
Photos : Mabel Miranda


Il y a 7 mois, le Maire de Grigny engageait une procédure visant la destruction du bidonville de la Folie, comme le font systématiquement 99 % des Maires aujourd'hui en place et qui se re-présentent devant leurs électeurs dans un mois, se prétendant aptes à porter les couleurs de la République.
Par les actes, nous nous opposons à tel abandon de tout. Alors, nous construisons, tant et si obstinément que nous faisons jaillir sur le terrain les mille sens que peut prendre le verbe "construire" : un abri, un espace commun, des liens d'amitié, une vie, un avenir, une politique. Alors, nous donnons rendez-vous à celles et ceux qui par les actes démontrent qu'ils incarnent, plus que nombre de dits "responsables", la République, la seule digne de ce nom, l'active et joyeuse. Alors, nous donnons rendez-vous sur le terrain de la Folie à quiconque, samedi et dimanche, souhaite prendre part au 4e volet du chantier de la Folie. Pour prendre part au chantier - samedi comme dimanche, de 10h à 18h - et bénéficier d'un déjeuner offert par les riveraines et riverains, il est conseillé de nous contacter (contact@perou-paris.org), et / ou de s'inscrire ici.











PS : Exceptionnellement, l'Apérou de ce mardi n'aura pas lieu chez Béber, aux Caves Dupetit Thouars, mais en compagnie de Jean-Paul Curnier qui à l'Espace Khiasma nous invite à 20h30 pour une discussion intitulée "Le Voyage, la terre, la propriété du sol". Les informations se trouvent ici.

dimanche 9 février 2014

La possibilité d'une ville (un appel urgent)


"L'éloignement" est le nom de la politique qui prévaut aujourd'hui à l'endroit de celles et ceux avec lesquels le PEROU inlassablement construit. Cette politique s'adosse à des représentations tissées par nos soins, par la collectivité féroce que nous formons : innombrables sont nos images, textes, et discours qui concourent à désigner nombre d'individus, sans doute de plus en plus nombreux, de telle manière à ce que leur proximité nous apparaisse contre-nature. Alors, les mesures consistant à les chasser au loin ne se laissent pas saisir comme délirantes et assassines : comme il se doit, on remet ainsi les choses en place. Alors, la politique qui prévaut, à aucune exception partisane près, ne porte officiellement pas le nom de "l'éloignement". Elle se livre, publiquement, comme rationnelle et raisonnable, condamnant ses opposants au statut de fous dangereux au pire, de doux rêveurs au mieux.


Cuisine d'une femme n'ayant pas "vocation"
à habiter Grigny (Grigny, 8 février)

Il en va ainsi des lointains sociaux : sans-domicile fixe et autres cas sociaux, corps pathologiques que  des professionnels du secteur "diagnostiquent" avant leur mise en quarantaine dans des centres décentrés. Il en va ainsi des lointains économiques : sans-emploi et autres "assistés" que, de bonne grâce, l'on intègre dans des logements sociaux éloignés de tout, et en premier lieu de ce qui fait d'une ville une ville. Il en va ainsi des lointains géographiques : les prétendus" migrants", comme si leur mouvement était perpétuel - tel un penchant naturel - dont on s'épargne de concevoir l'accueil puisque leur identité est ainsi faite qu'ils s'en désintéressent. Il en va ainsi des lointains ethniques : ceux que l'on nomme "Roms", plus efficace que "bidonvilliens", mais désignant effectivement quiconque vit dans un bidonville - comme s'il s'agissait là d'une seconde nature - et se vautre - avec complaisance - dans le larcin et la manche. Cela s'entend : leur présence dans nos villes s'avère une contradiction logique. Leur éloignement résulte donc à nos yeux malades d'un allant-de-soi, non d'une politique de violence, que le terme "guerre" reste le plus à même de désigner.


Des membres du PEROU : plus de vingt-cinq ce week-end
venus construire de nouveaux rapprochements avec la ville
(Grigny, 8 février)

Si la pelleteuse met effectivement en oeuvre le mouvement salutaire de nettoyage, l'éloignement est préparé par certains actes - et non-actes - administratifs. La semaine dernière, nous nous rendons au CCAS (Centre communal d'action sociale) de la commune de Grigny, structure compétente pour accorder une adresse administrative - dite "domiciliation" - a quelque sans-abri que ce soit établi sur le territoire de la commune. Nous nous y rendons avec trois personnes du bidonville de la Folie qui ont un besoin crucial de telle adresse : nécessaire pour faire valoir ses droits civiques comme sociaux, elle l'est tout autant pour signer un contrat de travail. L'accueil est glacial : les trois personnes restent à la porte du bureau de la responsable du CCAS, bureau que seuls nous avons l'autorisation de pénétrer. Là, un dialogue invraisemblable.
Nous : "Ces personnes souhaitent obtenir une adresse administrative à Grigny". Elle : "Elles doivent avoir une carte de séjour, l'autorisation de vivre ici". Nous : "Depuis janvier 2014, ce sont des Européens comme vous et moi". Elle : "Vous me l'apprenez. Mais le Maire a de toute façon demandé qu'il n'y ait plus de domiciliation accordée aux Roms". Nous : "Qui vous dit qu'ils sont Roms ? Tout ce que nous savons c'est qu'ils vivent dans le bidonville de la Folie". Elle : "Le Maire a dit qu'il n'y aurait plus de domiciliation pour les personnes vivant en bidonville". Nous : "Considérons qu'ils sont sans-abri si vous le voulez bien ?". Elle : "Ecoutez, le Maire ne veut pas être envahi, car ça va coûter cher à la Mairie qui est pauvre. Vous n'avez qu'à attendre que la Mairie change aux prochaines élections". Nous : "??!".
Nous sommes repartis avec, sous le bras, notre colère en sourdine, et, dans la tête, le texte de loi, en l'occurrence n° 2007-290, précisant qu'un CCAS ne peut refuser l'élection de domicile de personnes sans domicile stable qui en font la demande que si ces dernières ne présentent aucun lien avec la commune. Sans doute devons-nous assaillir le CCAS des preuves que nous avons : des milliers de photos, 40 CV, des films, des textes, des dizaines de témoignages. A moins que l'on entende mieux ce que dit la loi : que c'est à la Mairie de prouver que les liens sont inexistants. Et que l'on entame une procédure contre celle-ci.

Au PEROU, contrairement à ce qui prévaut, nous construisons des rapprochements. Par les actes, en commençant par raccrocher le bidonville à la ville ; par le plus élémentaire des pragmatismes, en mettant fin à la dérive organisée par les édiles très efficaces dans l'art de laisser pourrir le bidonville pour mieux s'offrir la légitimité de l'évacuer dans l'urgence. Ainsi avons nous déployé ce week-end trois nouvelles tonnes de copeaux de bois, épongeant enfin la quasi totalité de la boue de ce terrain argileux. Ainsi avons-nous poursuivi le drain, jusqu'à ce qu'il traverse de part en part le bidonville, drain recouvert d'une passerelle construite à partir d'une centaine de palettes récupérées dans les alentours. Au moyen de tissages et de ponts, ainsi s'élaborent de nouveaux espaces propices à l'invention d'un temps nouveau.





La Folie cultivée, une passerelle en émerge.
(Grigny, 8 février).


Grâce au pont tendu entre le bidonville et l'Ecole Nationale Supérieur des Arts Décoratifs, nous organisons cette semaine un workshop consistant à concevoir de nouveaux CV pour une quinzaine d'adultes. Autant d'outils pour, précisément, tendre de nouveaux ponts entre le bidonville et la ville. Dans le même élan, nous souhaitons faire que le bidonville soit connecté à Internet par une borne d'accès wi-fi gratuite que Mathias Jud et Christoph Wachter nous proposent d'installer. Pour ce faire, ces deux artistes suisses qui ont déjà oeuvré à Montreuil notamment (voir l'article paru dans Libération à ce sujet ici) ont besoin de se raccorder à une connexion existante dans le voisinage. Cette connexion source ne sera pas altérée, et même peut-elle être boostée par ces experts. En outre, ce piratage n'a absolument rien d'illégal, en plus d'être potentiellement d'une utilité cruciale pour notamment chercher du travail. Mais il nous faut trouver la divine source avant mardi. Ceci est donc un appel, urgentissime : qui pour tisser un lien nouveau, aux antipodes de l'éloignement qui prévaut ? (Si quelque piste que ce soit, nous contacter sur contact@perou-paris.org).


La Folie, Grigny, 9 février






jeudi 6 février 2014

Le chantier de la Folie (week-end 2)


Comme l'indique la lettre envoyée aujourd'hui au Maire de Grigny, lettre reproduite ci-dessous, le week-end dernier fut marqué par l'activation d'un chantier aussi nécessaire qu'enthousiaste.




Comme le présente le document publié ci-dessous, le week-end à venir sera marqué par la poursuite de ce chantier toujours aussi nécessaire et bien évidemment ouvert à tout public enthousiaste. Rejoignez-nous donc, quelles que soient vos compétences : on trouvera à faire ensemble, tant il y a à faire ensemble. Il suffit de se présenter sur les lieux dès 9h30 samedi et dimanche, et pour quelque question que ce soit, de nous joindre à : contact@perou-paris.org. Il est à noter que, grâce au talent de quelques formidables riverain(e)s, le chantier sera agrémenté à midi d'un repas merveilleux, et néanmoins offert.















PS : Samedi soir, nous nous retrouvons à l'Amin Théâtre de Viry-Châtillon pour une table ronde organisée dans le cadre de la journée "Etranges étrangers - Roumanie mania". Les informations sont disponibles ici. Durant cette journée, alors que nous serons sur le terrain, plusieurs de nos films seront présentés dans le théâtre : Considérant qu'il est plausible que de tels événements puissent à nouveau survenir ; La Place - Ris-Orangis ; et La Folie Grigny.