jeudi 5 février 2015

Post-Scriptum

Le rapport de recherche du PEROU remis au PUCA et à la Fondation Abbé Pierre revient sur deux années d'action en Essonne. En un peu plus de 200 pages, et autant de pages d'annexes, il s'efforce d'en tirer un bilan transmissible à d'autres, afin que de nouveaux actes soient risqués, afin que de nouvelles perspectives soient tracées. Ci-dessous, les quelques lignes qui en résument le contenu. Ci-après, les liens pour le télécharger : pour le rapport, c'est ici ; pour les annexes, c'est ici










PARTIR DU BIDONVILLE

Une micro-expérimentation constructive (2012-2014)


Actes de la recherche-action conduite dans les bidonvilles de l'Essonne par le PEROU - Pôle d'Exploration des Ressources Urbains.
A l'adresse du PUCA - Plan Urbanisme Construction Architecture et de la Fondation Abbé Pierre.



Résumé.


En 2012, plusieurs années d'une politique quasi-systématique d'expulsions et de destructions des bidonvilles conduisent au constat que le phénomène, loin de s'avérer ainsi éradiqué, se perpétue, s'amplifie et s'aggrave. Sans solution, les familles réfugiées dans de tels établissements illicites et dont certains enfants sont scolarisés, se réinstallent à deux pas de là, sur le chemin des écoles, en lisière d'une ville voisine. Sans solution, elles repartent souvent de moins que zéro, et construisent de nouveau à la hâte et sous une énième menace d'expulsion des abris toujours un peu plus précaires. Sans solution, ces familles pourtant européennes demeurent dans une impasse dans laquelle les enfonce un peu plus une identité "Rom", identité qui leur est collée à la peau comme preuve de l'impossibilité de leur intégration.

Suivant l'hypothèse que construire vaut mieux que détruire pour répondre aux questions sanitaires, sociales, politiques, que posent de telles situations, le PEROU a engagé un travail de recherche dès le mois de septembre 2012 dans un bidonville de Ris-Orangis, en lisière de la Nationale 7. Le 22 décembre 2012, avec le soutien des familles et de riverains, le collectif édifiait une "ambassade", bâtiment d'une vingtaine de mètres carrés installé au beau milieu du bidonville. Ainsi s'agissait-il d'inviter chacun au coeur du "problème" dont on parle beaucoup, mais au sujet duquel circulent bien davantage de fantasmes que de savoirs. En effet, "L'Ambassade du PEROU" a, pendant 100 jours, joué le rôle d'interface entre l'intérieur et l'extérieur, de sas par le biais duquel entrèrent au travail architectes, artistes, chercheurs, travailleurs sociaux, associations locales, et simples rissois dans une dynamique constructive. Ce faisant, s'agissait-il de peupler la scène de la controverse autrement, de tenter de nouvelles médiations entre les familles et les acteurs publics, afin que de nouvelles réponses adviennent enfin. Simultanément, dans le cours d'une action définie comme "diplomatique" tout autant que pragmatique, il s'agissait d'engager un chantier de construction de ce qui fait défaut dans une telle situation de grande précarité : des circulations praticables, des toilettes sèches, des bacs à compost, un système de sécurisation du circuit électrique, un drain d'évacuation des eaux de pluie, etc.

La micro-expérimentation engagée par le PEROU à Ris-Orangis suivait effectivement le projet de "partir du bidonville", dans les deux sens de l’idée : partir de la situation, pour en prendre soin en répondant aux besoin des familles, mais aussi pour accompagner et faire se multiplier les relations de celles-ci au territoire ; donner à ces mêmes personnes la possibilité d’enfin quitter les lieux grâce à la stabilité gagnée dans l’action constructive, grâce aux nouveaux liens noués avec riverains, écoles, services sociaux, acteurs publics. La transformation des lieux était fondamentale : donnant une autre qualité au bidonville et à la vie s'y déployant, elle permettait en outre un travail sur les représentations visant à modifier regards et réponses à son sujet. L'accompagnement social des familles était induit : par les rencontres suscitées, portées parfois par des outils créés in situ (Curriculum Vitae, mais aussi textes, films, livres, etc), des parcours pouvaient être initiés laissant envisager que le droit commun soit enfin atteint. Le 4 avril 2013, le bidonville de Ris-Orangis était expulsé à la force d'un arrêté municipal. 12 familles rejoignaient cependant un projet d'insertion, premier du nom en Essonne, gagné par des relations nouvelles créées avec les acteurs publics tant et si solidement que le PEROU devint assistant à maîtrise d'ouvrage de ce projet. Les familles non sélectionnées se réinstallaient à 500 mètres de là, dans un bidonville situé sur la commune voisine de Grigny. Ici, le PEROU reprenait son ouvrage, construisant notamment une "résidence" permettant en particulier d'accueillir des équipes d'architectes en vue de concevoir avec les familles des projets d'établissements temporaires hors le bidonville. Le bidonville de Grigny était à son tour détruit le 5 aout 2014. 6 familles rejoignaient cependant le projet d'insertion de Ris-Orangis. La vingtaine de familles non sélectionnées se retrouvaient elles de nouveau à Ris-Orangis, dans un énième bidonville.

Le rapport de recherche remis en novembre 2014 au PUCA et à la Fondation Abbé Pierre, les deux commanditaires de l'expérimentation du PEROU, se structure autour d'un "journal" de l'action écrit chemin faisant, et publié sur un blog deux années durant. Ce journal consigne les actes, mais aussi les projets de recherche développés in situ (plusieurs travaux photographiques et de dessin, une analyse économique du coût de la destruction, deux films réalisés par les familles, un film réalisé sur l'action, un livre collectif réunissant une trentaine de plumes analysant l'arrêté d'expulsion de Ris-Orangis, un livre-imagier réalisé avec les enfants du bidonville, des projets d'architecture conçus avec les familles, etc). Il témoigne de savoirs se constituant pas à pas, du déplacement de représentations produit par l'action, notamment au sujet de l'identité des personnes, de leur histoire, de leur devenir. Il témoigne en outre des relations multiples avec acteurs associatifs et publics, des tensions, des noeuds, des dénouements, des raidissements.
Pour les besoins de ce rapport, le journal est augmenté de multiples travaux photographiques, en particulier de celui de Adel Tincelin réalisé sur les contextes urbains alentours, et de celui de Laurent Malone réalisé sur le quotidien des familles. En outre, neuf textes écrits en novembre 2014 viennent rompre le fil de ce journal comme autant d'annotations de celui-ci. Ces textes intercalés s'efforcent de témoigner du jeu des acteurs, notamment associatifs, et de les analyser comme l'une des composantes cruciales du prétendu "problème Rom". Ils témoignent ainsi d'une violence demeurée largement absente du récit public de l'action proposé par le journal : celle que subit le PEROU du fait des paroles et des actes développés durant l'action par quelques membres d'une association locale, violence jugée non pas anecdotique, mais éclairant d'un jour nouveau le problème posé.

Ces deux années de recherche-action témoignent d'une urgence à travailler autrement avec les familles : in situ, en mettant en oeuvre les chantiers vitaux et souvent imposés par la loi, en accompagnant alors à partir de là les familles hors le bidonville. En novembre 2014, 10 familles habitent des logements sociaux, 8 sont inscrites en parcours d'insertion, et 14 adultes toujours installés dans le bidonville de Ris-Orangis ont un contrat de travail en poche. Ces deux années témoignent ainsi d'une urgence à clore la "question Rom", pour ouvrir le sujet du bidonville contemporain, promis à se développer sur le territoire européen, et face auquel des savoir et savoir-faire, notamment architecturaux et urbains, demeurent à inventer. Dans cette micro-situation, l'action conduite par le PEROU aura vu se déplacer des acteurs publics qui, d'abord radicalement hostiles à tout projet d'accueil, organisèrent cet accueil de manière durable pour une partie des familles. Les résultats demeurent cependant relatifs, tant les "sélections" opérées en amont des projets d'insertion laissent en situation d'errance des familles vivant ici, fortes de compétences, comptant tous leurs enfants scolarisés. Mais nombre d'obstacles, levés par l'analyse, demeurent à une action raisonnée, faisant s'articuler tous les intérêts en présence, notamment du fait du redoublement de la controverse par le jeu d'acteurs se saisissant de la "question Rom" pour nourrir sur la scène politique des luttes d'influence et de pouvoir étrangères aux intérêts des familles. Ce rapport veut transmettre des savoirs susceptibles de nourrir le projet de nouvelles expériences nécessaires au regard d'une situation de détresse extraordinaire, et néanmoins risquant de composer une part bientôt ordinaire de nos paysages urbains.  

mercredi 3 décembre 2014

Matières fécales, excréments, déjections (un épilogue)


S'en référant à l'enquête photographique accompagnant le rapport de police municipale du 14 mars 2013, l'auteur de l'Arrêté municipal n°2013/147 exigeait la sévérité la plus radicale à l'endroit des familles vivant dans le bidonville de la Nationale 7 en raison, notamment, de leur "accumulation de matières fécales". Le 3 avril 2013 vinrent les pelleteuses. Les familles, à l'exception de 10 ayant rejoint la "base de vie" et le projet d'insertion alors mis en place, se sont installées à Grigny.
S'en référant à plusieurs enquêtes diligentées sur le terrain de la Folie entre mai et juin 2013, l'avocat de la Mairie de Grigny plaidait le 15 novembre 2013 la "libération du terrain" au motif, entre autres, qu'il était inconcevable de laisser proliférer "déchets et excréments". D'ailleurs, insistait-il à trois reprises, ce terrain a une "vocation économique" et mérite l'installation, propre à n'en pas douter, d'un centre commercial "vital pour la survie de la commune". Le 5 août 2014 vinrent les pelleteuses. Les familles, à l'exception de 6 ayant à leur tour rejoint la "base de vie", se sont de nouveau installées à Ris-Orangis, rue de Fromont.
S'en référant à une page wikipedia très bien illustrée, l'avocat du propriétaire du terrain dit de Fromont a le 25 novembre dernier ainsi plaidé : considérant qu'un être humain produit 200 grammes de "déjections fécales" par jour, considérant le nombre de personnes installées rue de Fromont et les jours passés à déplorer cette installation, force est de considérer qu'il y en a tout de même 2,5 tonnes. Très prochainement viendront les pelleteuses. Les familles, sans exception cette fois-ci, s'installeront de nouveau à Grigny dont les édiles redoutent sans aucun doute déjà de nouveaux emmerdements.

Nous avons ici beaucoup écrit quant à ce que nous pensons de ces scatologues associés, du Maire de Ris-Orangis déplorant l'action "impressionniste" du PEROU lorsque nous construisons des sanitaires, au premier adjoint de Grigny s'indignant : "Vos toilettes sèches c'est du sparadrap !". Bien que rien n'ait été écrit ici à leur sujet depuis quelques mois, nous n'en pensons pas moins, sans parler de l'indécence que représente désormais le million d'euros qui aura été nécessaire à ces trois expulsions de ce qui ne leur apparaît manifestement que comme quelques rebuts humains.
Nous n'avons en fait pas cessé d'écrire depuis : au sujet du jeu des acteurs précisément, politiques, militants, associatifs, jeu douteux, d'une propreté relative, puant concluront certains, très instructif quoi qu'il en soit. Ces écrits constituent le contenu d'un rapport que nous délivrons ces jours-ci aux deux partenaires de l'action conduite en Essonne : le PUCA et la Fondation Abbé Pierre. Ces écrits, nous en ferons sans doute un livre dans les mois à venir, tant il nous paraît nécessaire de transmettre, pour reprendre le travail, et construire enfin.
Avant de transmettre à d'autres, nous nous efforcerons de transmettre aux familles avec lesquelles nous avons oeuvré ces deux années : des outils, des savoirs. Demain jeudi 4 décembre à 18h aux Caves Dupetit Thouars, nous présentons à la presse "La Passerelle", imagier trilingue dessiné par les enfants du bidonville, coordonné par Joana Zimmermann et Victoria Zorraquin, et offert aux écoles qui le souhaitent (voir le site du projet ici). Le 16 novembre dernier, nous l'offrions aux enfants, ainsi intronisés auteurs de leur tout premier livre, de cet outil leur permettant de créer des liens par le jeu avec de nouveaux camarades de classes. S'il y avait une "question Rom", ces enfants en seraient la réponse enthousiasmante ô combien.







Photos : Max Bruno


A l'Association de la Folie en Essonne, association constituée par les familles à Grigny en juin dernier, nous remettrons un autre cahier, une autre passerelle, un autre outil de création de lien : le résultat des travaux réalisés par les équipes d'architectes accueillies en résidence dans le bidonville en juin dernier, travaux consistant à tracer des perspectives de projets de lieux de vie enfin hospitaliers (ci-dessous, les éléments livrés par le Sixième Continent). Ainsi pourront-ils, et nous les y aideront, rencontrer ceux qui parmi les acteurs locaux sont usés par des années de politiques publiques insensées. Le PEROU a oeuvré dans ce sens là : expérimenter pour que des outils en émergent qui puissent être saisis par celles et ceux qui souhaitent répondre autrement à la "question du bidonville". Car telle est la question posée, question majeure, encore à peine frémissante en Europe, mais en devenir.
En Essonne, nous avons tenté de sortir de l'ornière de la "Question Rom", et de peupler autrement la scène accaparée par "pro et anti Rom" afin qu'émerge enfin cette question. A l'évidence, nous n'avons aucune envie qu'apparaisse cette question, ivres que nous sommes de la religion selon laquelle c'est la métropole qui miroite devant nous, non le bidonville. Il s'agirait peut-être qu'une pensée urbaine sécularisée advienne enfin, nous permettant de reprendre pied avec le réel, pas forcément agréable, certainement composé aussi de matières fécales, d'excréments et de déjections, et d'y faire face autrement que par la déni. Au PEROU, ailleurs comme ici, nous poursuivrons cette ambition de simplement refaire face. Et d'inventer alors.


























jeudi 14 août 2014

A l'adresse du Maire de Grigny et du Premier Ministre, entre autres responsables.



Ci-dessous, le courrier envoyé ce jour à Monsieur Philippe Rio, Maire de Grigny, en copie à : Monsieur  Stéphane Raffalli, Maire de Ris-Orangis ; Monsieur Jérôme Guedj, Président du Conseil Général de l'Essonne ; Monsieur Bernard Schmeltz, Préfet de l'Essonne ; Monsieur Jérôme Normand, Sous-Préfet de la Région Île-de-France ; Monsieur Manuel Demougeot, directeur de cabinet du Délégué Interministériel à l'Hébergement et l'Accès au Logement ; Monsieur Manuel Valls, Premier Ministre.


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A l’attention de Monsieur Philippe Rio
Maire de Grigny
Hôtel de Ville BP 13
91351 Grigny Cedex



Paris, le 12 août 2014


Monsieur le Maire,




Les mots que depuis avril 2013 nous vous avons envoyés ont démontré leur grande inefficacité. Ils vous étaient adressés afin de vous convaincre de coopérer avec les membres du PEROU que nous sommes (artistes, architectes, urbanistes, travailleurs sociaux, chercheurs) et d’épargner ainsi aux familles établies sur le bidonville de la Folie l’indigence des réponses d’urgence. Ces mots n’ont reçu en écho de votre part qu’un silence hostile, annonce du vacarme des pelleteuses constaté le 5 août dernier.

Si nous savions vous atteindre par écrit, les mots que nous vous écrivons aujourd’hui sauraient vous faire entendre combien était absurde votre décision de faire détruire le bidonville de la Folie. Cette absurdité, cause d’une violence inouïe faite aux familles réfugiées sur le territoire de la commune de Grigny, vous n’en prendrez donc pas la mesure, abrité que vous êtes derrière des discours aussi inconsistants que généralisés. Comme vous en effet, les maires de France et de Navarre aujourd’hui confrontés à l’existence d’un bidonville sur leur territoire accusent l’Etat, l’Europe, la Roumanie, le Grand Capital, et tout autre responsable majuscule. L’irresponsabilité est devenue un argument. Elle fonctionne comme une autorisation de conduire une politique irresponsable. Ainsi, à l’instar de bien d’autres élus, avez-vous engagés des fonds publics extravagants pour faire qu’un bidonville incommodant à vos yeux se déplace de quelques mètres à peine, jusque sous les yeux d’un voisin, ennemi politique de préférence. Le tout en prétendant ne pas avoir à apporter de réponse à une situation dont vous ne maîtriseriez pas la cause. Ce qui s’avère une philosophie de l’action publique délirante, bien qu’en voie de banalisation. 

Alors, puisque vous écrire ne produit aucun effet sur le devenir des familles, nous vous faisons parvenir quelques-unes des images que nous avons produites. Il s’agit d’un travail conduit par l’artiste Mickaël Phelippeau dans le bidonville de la Folie : des portraits d’une jeune fille qui vivait là avec sa famille. Le 5 août dernier, jour de leur expulsion, Violeta et sa famille ont été orientés par vos services vers un hôtel à Pontoise, à 72km de l’Hôtel de Ville de Grigny. Suffisamment éloignés pour ne plus avoir à vous en soucier. Las : scolarisée non loin de chez vous, elle et sa famille se rapprocheront fatalement de votre territoire dans les jours prochains. Vous ne connaissez pas Violeta. C’est dommage : elle est formidable. Gageons que ces images vous permettent prochainement de la reconnaître, et de considérer autrement sa présence parmi nous. 


Depuis avril 2013, nos mots ne sont jamais parvenus à vous faire entendre que la procédure d’expulsion que vous avez engagée contre ces familles était catastrophique non seulement pour elles, mais pour nous tous, vous y compris. Ces images peut-être abîmeront-elles vos certitudes ? Il est fort à parier que seule la réinstallation de Violeta et de sa famille sur votre territoire pourrait produire un quelconque effet. Vous conduisant à agir, à l’endroit des familles vivant en bidonville, de manière «responsable» ? A moins que vous redoubliez de violence ? Nous redoublerons alors d’actes, de mots et d’images pour y faire face. 


Sébastien Thiéry, coordinateur des actions du PEROU.





PS : Nous apprenons que Violeta et sa famille se sont en fait installés sur le territoire de Ris-Orangis, dans un sous-bois où les conditions de vie sont autrement plus terrifiantes que sur le terrain de la Folie. Voici une information qui risque de briser tous nos espoirs de vous faire entendre quoi que ce soit d’autre que ce qui régit vos prises de position. Voici une information qui va en effet vous convaincre que votre politique est efficace, puisque produisant chez un ennemi politique, un socialiste proche de Manuel Valls, une situation de crise dont il risque fort, de nouveau, de ne pas sortir grandi. Déjà, nous voyons jubiler d’opportunistes militants communistes qui, à Grigny, enseignaient aux familles que c’était l’Etat socialiste, non la Mairie communiste, qui leur voulait grand mal. Déjà, nous voyons s’esquisser la scène jouée mille fois : formes convenues d’indignation ; insultes proférées par les salauds du parti à l’endroit des salauds de l’autre parti ; discours pré-écrits de violence et de contre violence ; «solution» que vous imaginez fort bien pour finir, et recommencer. 

PS 2 : Nous envoyons donc copie de ce courrier à Stéphane Raffalli, Maire de Ris-Orangis, étant donné que les mots et images que nous vous adressons valent pour lui, et pour cause : avant de rejoindre le bidonville de la Folie à Grigny, Violeta et sa famille vivaient dans le bidonville de la Nationale 7 de Ris-Orangis détruit le 3 avril 2013 suite à la publication d’un arrêté municipal. Certes, un projet d’insertion a vu le jour à Ris-Orangis, accueillant 38 personnes bientôt rejointes par 6 familles issues des bidonvilles de Grigny, ce dont vous vous félicitez d’ailleurs abondamment ces jours-ci. C’est effectivement un fait extraordinaire (la toute première expérience de la sorte en Essonne) qui devrait conduire les élus que vous êtes à cesser les expulsions, et militer afin que se multiplient de nouveaux dispositifs d’accueil pour tous. C’est, au contraire, une situation dont Stéphane Raffalli comme vous-mêmes faites publicité pour vous laver les mains de l’éloignement de prétendus «non insérables», à l’instar de Violeta et de sa famille. Preuve s’il en est que la violence n’a pas de couleur, que l’indigence n’est le monopole d’aucun parti. 

PS 3 : Nous envoyons enfin copie de ce courrier aux représentants des institutions compétentes en ces affaires : Président du Conseil Général de l’Essonne, Préfet de l’Essonne, Sous-Préfet de la Région Île-de-France, Délégué Interministériel pour l’Hébergement et l’Accès au Logement, Premier Ministre. Puisque ce qui a lieu à Ris-Orangis-Grigny n’est en rien un cas isolé, mais vaut bien plutôt comme cas d’école : violence faite aux personnes déplacées d’une situation de crise à une autre ; incurie de l’action publique, alourdie d’une gabegie monumentale puisqu’à la prochaine expulsion de Ris-Orangis (qui pourrait donc de nouveau conduire les familles jusque sur le territoire de Grigny), nous aurons atteint le million d’euros dépensés pour rien (compter environ 300 000 euros par expulsion), sinon pour faire de la violence un spectacle ; lâcheté des élus trouvant refuge dans des discours dont le crédit tient au seul fait qu’ils soient rabâchés de toutes parts. 

PS 4 : Pourrions-nous enfin faire cesser cet invraisemblable désastre ?

















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Non envoyés à cette pléiade d'acteurs, mais méritant qu'on s'y attarde également, quelques éléments précis relatifs à l'expulsion du 5 août :


- Placements en hôtel.

Mairie de Grigny et services de l'Etat (115) se sont organisés pour proposer des chambres d'hôtel à chacune des familles présentes à Grigny. Ci-dessous, le détail des localisations des hôtels, le nombre de familles placées dans chacun d'entre eux, et la distance séparant ces hôtels du terrain de la Folie (et donc des écoles, des lieux de travail, etc). En soulignant que d'une part, les "prises en charges" courraient jusqu'au 11 août pour la plupart, que la grande majorité des familles est donc aujourd'hui à la rue et que, d'autre part, telle opération de placement à l'hôtel durant une semaine aura coûté au contribuable à peu près 30 000 euros. (72 ménages étaient décomptés a priori, 31 étaient absents lors de l'expulsion, un seul a refusé la proposition de chambre qui lui a été faite, la plupart nous ont appelés le soir même de leur placement pour nous témoigner de l'insalubrité des chambres, de la solitude, de l'impossibilité de faire la cuisine aux enfants, de la détresse des enfants enfermés dans la promiscuité, etc).

- Dans le 91, 16 familles dont : 3 aux Ullis (30km) ; 5 à Tigery (14km) ; 2 à Corbeil (12km) ; 3 à Athis-Mons (9km) ; 1 à Evry (7km) ; 1 à Viry-Châtillon (5km) ; 1 à Etampes (38km)
- Dans le 92, 1 famille à Asnières (41km)
- Dans le 93, 3 familles dont : 1 à Aubervilliers (37km) ; 2 à la Courneuve (44km)
- Dans le 94, 13 familles dont : 7 à Orly (29km) ; 1 au Plessis-Trévise (45km) ; 2 à Arcueil (28km) ; 3 à La Queue en Brie (43km)
- Dans le 95, 15 familles dont : 3 à Pontoise (72km) ; 11 à Saint-Ouen l'Aumône (71km) ; 1 à Cergy Saint-Christophe (71km)
- Dans le 77, 10 familles dont : 6 à Chelles (60km) ; 4 à Villeparisis (64km)

Soit une moyenne d'éloignement de 44km.


- Relais presse et ailleurs : 

Dans différents articles et reportages TV, il est fait état de l'expulsion non sans rendre compte de l'immense absurdité de celle-ci, ce qui est une nouveauté assez encourageante. Gageons que sur le terrain des médias bientôt, l'on produise enfin d'autres récits et renvoie à la figure des responsables de ce désastre une tout autre réalité. Voir notamment :

- Sur France Culture, un reportage la veille de l'expulsion (à 11'05), ici.
- Sur Rue89, un copieux et intéressant article à lire ici.
- Sur l'Insatiable, un article non moins copieux et intéressant à lire ici.
- Sur le Nouvel Observateur, toujours l'incompétence crasse des acteurs en matière de politique urbaine et sociale, à lire ici.
- En images, le reportage de Aude Tincelin ici, et le film de Clément Hanvic ici.


mardi 5 août 2014

Avec humanité


Sous le ciel de la Folie, la dernière nuit fut éblouissante. Comme une grande gorgée de vie avalée avant le saut dans le vide des politiques publiques de "résorption des bidonvilles". Un sonnant éclat de voix même, au beau milieu des rires, des danses, de l'alcool et des feux de joie :
"Nous avons compris bien des choses ces derniers mois, affirme l'assemblée des familles réunie sur le parquet de l'ancien cinéma. Compris que les leçons de vertu des autorités ne valent rien : d'innombrables enfants scolarisés cette année à Grigny seront, par cette Mairie en laquelle on nous a fait croire, jetés à la rue demain matin ; aucun adulte parmi les 17 ayant signé un contrat de travail et fait donc preuve de leur "employabilité" n'est inscrit sur la liste préfectorale des prétendus "aptes à l'insertion". Compris aussi que celles et ceux qui produisent de nous des images et des discours de misère, prétendant nous défendre parfois, agissent contre nous, contre l'humanité que nous sommes et qui est belle, et qui est riche. Compris qu'il nous faut nous saisir de notre propre parole, de notre propre destin. Compris qu'il nous faut tout reprendre, recommencer, et gagner enfin".


4 août 2014, la Folie

Puis la douceur du lever du jour, les amis qui nous rejoignent sous les bravos des oiseaux matinaux. Puis les riverains effectivement exaspérés par leurs élus. Enfin, à 7h du matin tapantes, les véhicules de la gendarmerie nationale, les défilés cadencés, les consignes graves et néanmoins burlesques du leader des troupes, talkie walkie autour du cou hurlant quelques messages gorgés de friture : "Charly, activez double colonne !" ; "Formation de ligne continue !".

Un déferlement impeccable, une démonstration d'efficacité, une furie toute contenue par la technique. A 8h, plus un chat. Une femme gradée à son collègue, cachant mal un sourire large et gras : "La pelleteuse va pouvoir réveiller les rats". Des hommes, n'en parlons pas. La Folie "libérée".










"Exemplaires". Ainsi s'auto-satisfait Claude Vazquez, élu de Grigny en charge du dossier, au micro de quelques journalistes le questionnant sur les opérations du jour. Il est autour de 10h, aux abords de la Folie, sur le terrain de sport désaffecté où sont rassemblées les familles "dans la dignité". Et pour cause : sous des barnums municipaux ici dressés, des bénévoles du Secours Catholique et du Secours Populaire ont été invités à distribuer quelques collations. Sous un soleil maintenant généreux, la situation prend des airs de partie champêtre un brin glacée, image surréaliste confectionnée avec un soin manifestement maladif, théâtre transpirant le malaise de ses auteurs.

Quelque chose comme une douce violence s'orchestre ainsi, à deux pas d'un bidonville figé dans le silence et à proximité duquel une pelleteuse demeure en veille, attendant que la foule se dissipe avant de commettre son ouvrage. C'est que dans le même temps et les mêmes lieux, quelques équipes attablées s'affairent à "orienter" chacune et chacun vers des "chambres d'hôtel". De ce spectacle désarmant, le photographe Rafaël Trapet a saisi quelques magnifiques images visibles ici.





Extraordinaire matinée. Effroyablement ordinaire d'un autre côté, frappée d'un sentiment de déjà vu, pauvre revival des péripéties rissoises (tout, il y a plus d'un an, a déjà été consigné ici, ici, et ici). C'est que pour ces familles finalement accablées, c'est un Monopoly à deux ou trois cases qui se joue : bidonville / chambre d'hôtel délabrée / bidonville / chambre d'hôtel éloignée / vous ne passerez pas par la case "nouveau départ", et ne toucherez évidemment rien.

La Mairie exemplaire de répondre à la presse prévisiblement insistante : "Nous sommes la commune la plus pauvre d'Île-de-France ! Nous - plus que tout autre ! - ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde, c'est évident". Et de prétendre d'ailleurs faire un effort remarquable en contribuant à l'insertion de 6 familles parmi la foule, celles qui effectivement rejoindront dans quelques semaines la "base de vie" à Ris-Orangis. Oubliant donc de préciser que le territoire de Grigny n'accueillera aucun projet d'insertion. Oubliant accessoirement de préciser que ce nouveau projet d'insertion sera financé par l'Etat. Feignant ainsi de croire qu'accueillir coûte davantage qu'expulser, alors que c'est ô combien l'inverse : la plus grande part des 320 000 euros du coût de l'expulsion est de sa poche ; ça n'est le cas que d'une part bigrement infime des 500 000 euros du coût d'un projet d'insertion.

A 13h, toutes les familles non sélectionnées sont effectivement placées en chambre d'hôtel - via le 115 exceptionnellement mobilisé - aux quatre coins de l'Île-de-France : Saint-Ouen l'Aumône ; Chelles ; Juvisy ; Corbeil ; Saint-Fargeau-Ponthierry. C'est loin, mais c'est court : une semaine en moyenne. Humaine, la municipalité a mobilisé des bus pour les y conduire. A 14h, la pelleteuse entre en action, à l'abris des regards, pour ne pas faire désordre non plus. Ce soir, les familles appellent : insalubrité des établissements, étroitesse des chambres, interdiction de faire la cuisine, solitude, détresse. Et de prévenir : d'ici peu, un nouveau bidonville sera édifié, non loin de la Folie, non loin de la Place de l'Ambassade. Les élus du coin tremblent que leur commune s'avère la prochaine case de ce Monopoly infernal.




Ceci n'est pas une action publique inhumaine


lundi 4 août 2014

Communiqué du 4 août 2014


COMMUNIQUÉ DU PEROU - Pôle d’Exploration des Ressources Urbaines - 4 AOÛT 2014



Grigny, bidonville de la Folie, av. des Tuileries : demain mardi 5 août, au petit matin, tout sera détruit. 




Ici, avec le soutien de la Fondation Abbé Pierre et du PUCA, le PEROU a oeuvré des mois durant : interventions sanitaires, réparations des baraques, mise hors boue du site, construction d’un lieu de travail, accueil en résidence de nombreux artistes et architectes, organisation de sessions de travail avec des étudiants d’écoles d’art, d’architecture et de sciences politiques, conception de CV pour plus de quarante adultes, accompagnement des familles dans leurs démarches administratives. 
Les acteurs publics n’ont cessé de mépriser ce travail, visant à se débarrasser du problème, non à y répondre. Demain mardi 5 août, au petit matin, tout sera détruit. 


Ici, en collaboration avec les riverains du Collectif des Ambassadeurs des Roms et des Colib’Ris, le PEROU a contribué à ce que la quasi totalité des enfants ait été scolarisée, à ce que les adultes aient quasiment tous été domiciliés, à ce que quinze d’entre eux aient signé un contrat de travail, à ce qu’une vingtaine ait régulièrement suivi des cours de français, à ce qu’une cinquantaine se soit inscrite à Pôle Emploi, à ce que d’innombrables liens avec le territoire aient été ainsi noués.  
Les acteurs publics n’ont cessé de défaire ce qui se construisait, visant à éloigner ces étrangers menaçant de s’installer parmi nous. Demain, les familles ici intégrées seront purement et simplement mises à la rue, ou se verront proposées pour quelques jours des chambres d’hôtels à des dizaines de kilomètres de là. 


Ici, dans la dynamique constructive engagée avec les familles, celles-ci se sont constituées en association, une première en France. Déclarés en Préfecture le 8 juillet, les statuts de «l’association de la Folie en Essonne» sont ainsi rédigés : «A titre principal, l’association poursuit une mission d’intérêt général de défense des droits des personnes vivant dans les bidonvilles de l’Essonne. Elle a pour objet de développer et promouvoir des réponses à leur situation, et peut intervenir en tant que concepteur, producteur, partenaire de projets expérimentaux favorisant leur insertion. Au niveau national comme international, elle peut intervenir auprès d’acteurs associatifs comme institutionnels en tant qu’expert pour la recherche et la promotion de projets innovants à l’adresse des personnes vivant dans des conditions particulièrement précaires.»
Les acteurs publics n’ont manifestement reconnu aucune légitimité à cette structure légale. Méprisant tout autant la procédure engagée par les membres de l’association devant la Cour d’Appel de Paris, Maire et Préfet mobilisent donc des moyens exceptionnels (pour un coût évalué à 320 000 euros) afin de casser non seulement le bidonville, mais les processus qui y ont éclos. 


Gouvernés par bêtise et lâcheté, les acteurs publics parviendront demain mardi à faire disparaître le bidonville de la Folie, non la réalité, non les perspectives d’avenir dessinées depuis des mois ici-même. Aussi, dans quelques semaines, un nouveau bidonville sera-t-il construit non loin de ce terrain. Peut-être qu’alors les acteurs publics s’en remettront à l’évidence : que la violence est une impasse, meurtrissant les personnes, cassant les processus d’intégration de celles-ci, pérennisant le bidonville dans sa forme la plus déplorable.
Demain mardi 5 août, au petit matin, nous serons présents sur le terrain de la Folie pour constater les dégâts, et pour rappeler aux responsables de ceux-ci qu’il est plausible que de tels événements puissent à nouveau survenir.




Contacts : Sébastien Thiéry - 06 12 34 70 28 / Ramona Strachinaru : 06 81 80 67 29

www.perou-risorangis.blogspot.fr

mercredi 30 juillet 2014

La folie près de chez vous


En avril dernier, Jean-Paul Curnier publiait aux éditions Lignes Prospérités du désastre, recueil non pas d'indignation, mais "d'aggravation". La thèse de l'auteur : les choses étant ce qu'elles sont (politiquement, socialement, moralement, culturellement), rien ne sert de prétendre y remédier, mieux vaut bien au contraire s'employer à les aggraver. Thèse étayée par ces quelques lignes, en quatrième de couverture :
"Alors, si ce monde va aussi franchement et volontairement à sa perte, autant qu'il y aille vite pour en vivre au plus vite le remplacement. Et il convient même de l'aider à chaque fois que cela s'avère possible. Pas de le critiquer ou de le condamner - c'est là une affaire hors de saison, une ancienne ferveur pour le sauver contre son gré ; non, il convient au contraire de faciliter toute chose sur la voie de laquelle il s'est engagé".


Alors que nous construisions encore,
au mépris de la gravité.
2 juillet 2014, Grigny, terrain de la Folie.
Photo : Jean-Pierre Le Hen


Durant près de deux années de travail en Essonne, le PEROU a exploré une voie tierce, entre indignation et aggravation, celle de la construction. Il s'agissait ainsi de poursuivre une hypothèse de recherche : partant de l'extrême pauvreté des savoirs sur ce qui a lieu (des camps, des campements, des bidonvilles, des Roms, des nomades, des migrants, etc) comme sur ce qui pourrait avoir lieu (du harcèlement, des expulsions, des destructions, des obligations de quitter le territoire français, des villages d'insertion, etc), nous visions avec les outils de l'architecte notamment la rénovation du répertoire des questions comme celui des réponses relatifs à ces situations de violence rencontrées notamment à Ris-Orangis et Grigny.
Nous commettant avec le terrain occupé, avec les familles réfugiées, avec les riverains exaspérés, avec les associations indignées, avec les pouvoirs publics dépassés, avec en somme la constellation des acteurs liés à ces situations, nous souhaitions porter un regard non seulement actif, mais "embarqué", comme il se dit du journaliste "embedded" au sein des forces en conflit. Nous avons énormément appris, et nous efforcerons dans les mois à venir de transmettre ces savoirs conquis sur la scène d'une violence protéiforme, violence rencontrée parfois là où nous n'imaginions pas la trouver. Ainsi pourrons-nous mesurer le degré de pertinence de cette voie empruntée par le PEROU, à savoir celle de la construction : par la somme de savoirs que pourraient en récolter d'autres que nous qui souhaiteraient agir au beau milieu d'autres désastres que ceux de Ris ou Grigny.


Article publié le 10 juillet dans Le Républicain, hebdomadaire de l'Essonne. 


La dissolution du bidonville de la Folie est aujourd'hui si vaste que construire est devenu hors de portée : habité par des familles désormais sans espoir, le terrain n'est plus que cloaque, le cinéma que misère. Aggraver le cas des acteurs responsables d'un tel désastre pourrait finalement s'avérer la seule voie qui vaille.
Aggraver le cas de cette Mairie communiste en premier lieu qui, apprend-on la semaine dernière, n'accueillera sur son territoire aucun projet d'insertion, en dépit de toutes les rumeurs savamment orchestrées ces dernières semaines. Toute la panoplie du cynisme et de la lâcheté aura été explorée par cette équipe municipale dont la seule représentation auprès des familles aura été assurée par  le "Directeur Prévention, Sécurité et Hygiène", signe de l'assimilation par ces grands humanistes de la philosophie sarkozyste selon laquelle la condition des migrants relève du domaine de la sécurité. Toutes les stratégies auront été développées, en s'appuyant notamment sur quelques fidèles camarades membres de l'Association de Solidarité de l'Essonne avec les Familles Roumaines et Roms, pour casser le travail entrepris par le PEROU et faire se diviser les familles à son sujet : rumeurs insistantes sur les finances de l'association et la fortune de ses responsables, diffamations en tout genre soigneusement colportées jusque bien au-delà de l'Essonne, formes plus ou moins raffinées d'insultes proférées aussi régulièrement que faire se peut, etc.
Aggraver le cas de ce Préfet de l'Essonne dans le même mouvement, représentant de l'Etat sans doute, mais manifestement pas des textes de la République. Certes, ce dernier a-t-il enfin consenti la semaine dernière à ce que la "base de vie" de Ris-Orangis s'ouvre à de nouvelles familles, et 6 parmi celles avec lesquelles nous oeuvrions à Grigny ont été "sélectionnées" pour y être accueillies jusqu'à décembre 2015. Le reste, rebut (une trentaine de familles donc) parmi le rebut, sera par conséquent sous son autorité "dégagé" du terrain de la Folie, invité à trouver sa vocation ailleurs. Un ailleurs qui, entre nous soit dit, s'avère si proche que ce même Préfet aura dans quelques mois la piètre besogne de répéter ce même geste à l'endroit des mêmes familles.

L'aggravation du cas de ces acteurs publics passe sans doute par la grande publicité faite à ces décisions d'une immense incurie, mais aussi par un art d'en rire aussi bruyamment que possible. Car la violence leur sert de parure royale, costume sombre de l'homme responsable, et la colère comme l'indignation qu'elle suscite, sinon excite, fonctionnent telles des confirmations de cette détestable stature. Sous les coups de butoir du rire féroce, cette violence pourrait enfin apparaître simplement grotesque, à l'image de la politique que ces "responsables" conduisent.
Grotesque puisqu'il est probable que de tels événements puissent à nouveau survenir. Grotesque puisqu'il est probable que les familles expulsées se réinstallent à Grigny ou à Ris-Orangis. Grotesque puisqu'il est probable que les mêmes acteurs-Shadocks pompent et pompent lamentablement des années encore. Grotesque puisqu'il est probable qu'ils déploient de nouveau des moyens considérables pour des résultats aussi considérablement nuls.
Seul argument pour leur défense : leur cas n'est pas isolé, puisque cet été la vacance politique est généralisée, commandant qu'on expulse jusqu'à l'ivresse à Viry-Châtillon (menace d'expulsion imminente est faite aux familles du bidonville du Bellay, où nous avions également travaillé avec l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Bretagne, présenté ici), comme à Calais (lire ici la tribune publiée hier dans Libération signée notamment des chercheurs que nous sommes). Il est donc nécessaire, jusqu'à l'ivresse également, de faire suivre ce flyer annonçant l'ultime spectacle du Festival de la Folie, le plus grotesque d'entre tous :