lundi 31 décembre 2012

Passer 2013


Dans un an exactement, les Roumains et Bulgares seront enfin des Européens "normaux", ayant la possibilité notamment d'accéder au marché de l'emploi comme n'importe lequel de nos concitoyens. Il faut donc encore tenir un an soumis au statut dit "transitoire" ( voir ici le document du Gisti expliquant par le menu cet aberrant statut ).

L'année 2013 ne sera donc pas excellente. Au regard de 2012 qui aura été terrible pour ces familles de Ris-Orangis, il est tout de même sensé d'espérer que 2013 sera meilleure.



dimanche 30 décembre 2012

Discrimine moi un Rom


Alain, le père d'Alex né il y a une dizaine de jours, est Roumain non Rom. Marius, dont la femme travaillait au Parlement européen de Strasbourg il y a encore deux ans, est Moldave non Rom. Alain et Marius vivent pourtant à Ris-Orangis, dans ce que l'immense majorité de nos contemporains s'aventure à nommer un "camp Rom". Que raconte telle vérité mensongère ?

Quant au "camp", il colporte dans ses bagages deux fantasmes aujourd'hui très profondément enracinés. Nommer ainsi des établissements tels que celui de Ris-Orangis permet d'inscrire dans les esprits que nous avons affaire sinon à des campeurs, tout au moins à des voyageurs. Ainsi peut s'entretenir la confusion délirante selon laquelle les personnes établies là sont nomades, permettant d'envisager par exemple, comme l'y encourage la loi SRU, que créer des aires d'accueil pour gens du voyage est une réponse à la question posée par ces établissements illicites. Le Président Sarkozy avait institué cette confusion dans son discours présidentiel du 30 juillet 2010. Chacun en a fait aujourd'hui son langage, y compris les plus hostiles à l'idéologie bas-du-front sarkozyste. Il en va ainsi d'Amnesty International qui, dans son tout dernier rapport intitulé "Chassés de toutes parts. Les expulsions forcées de Roms en Île-de-France" (lire ici), utilise l'expression "campements informels roms". Voici une expression ahurissante à divers titres, et en premier lieu en raison de l'évocation appuyée de ce nomadisme hors-sujet, certes contrebalancée par l'étrange expression "expulsions forcées" (connaît-on des expulsions non forcées ?), qui raconte que si ces populations voyagent effectivement, ça n'est pas en raison d'un goût pour le nomadisme, mais à cause d'un destin d'indésirables qui, depuis des siècles peut-être, leur a inculqué un certain savoir-fuir. Qu'on se le dise : les personnes établies à Ris-Orangis en lisière de la Nationale 7 sont des sédentaires qui, vivant dans un "bidonville", regardent la ville voisine avec le désir d'en devenir partie prenante.

Nommer "camp" un tel établissement fait se répandre en outre, l'air de rien, un poison qui fait son effet dans notre conscience politique dévastée : l'idée que ces gens là s'avèrent une véritable horde. Le "camp", en tout premier lieu peut-être, est l'établissement d'une armée élancée vers ses conquêtes. Comme par hasard, ces Roms qui ne sont que 15 à 20 000 en France sont aussitôt affublés des atours de l'envahisseur prétendument précipité jusque chez nous par le désormais légendaire "appel d'air", et s'apprêtant à tout dévaster, nos équilibres si subtils en tout premier lieu. Le Maire de Ris-Orangis peut alors, sans que le journaliste qui le cite ne tombe manifestement de sa chaise, avancer qu'intégrer les enfants Roms à l'école "déstabiliserait très fortement les communautés scolaires" (lire par exemple ici). Au coeur de cette réflexion hautement improbable, l'instabilité du nomade et la force déséquilibrante de l'envahisseur se complètent pour parfaire l'image de l'ennemi radical que ces pauvres gosses portent désormais sur leurs épaules. Instables selon la doxa, ces gens là sont par définition redoutablement dangereux.

Sédentaires, sans aucun doute. Et, si l'on s'en réfère au moins à Alain et Marius, "Roms" jusqu'à quel point ? Adèle Sutre, l'une des plus sérieuses historiennes de la question Rom insiste de temps en temps sur les brassages qui, depuis des siècles, rendent les prétendus Roms aussi bretons que le sont les amateurs de festnoz aujourd'hui. Le petit Alex par exemple, bien que cloué à cette identité là, n'a de son père aucune espèce d'héritage de cela. Mais après tout, puisqu'elle semble dangereusement contagieuse, l'identité Rom se refilera au petit habitant (croupissant ?) parmi des familles Roms dans le bidonville de Ris-Orangis. Car ainsi se réalise le tour de passe-passe contemporain : ce ne sont pas les Roms qui font des bidonvilles, mais les bidonvilles qui font les Roms. L'être Rom est une esthétique des bas-fonds, nécessitant un établissement dit "informel" ou "indigne" lui collant à la peau. C'est l'informe de son établissement - qui, chez Amnesty International par exemple, sait distinguer la forme de l'informe ? - qui donne à Alain, qui est aussi Rom que je suis Breton, l'identité problématique qui est indécrottablement la sienne aujourd'hui.

S'attaquant à la question posée par la face cachée de l'architecture, le PEROU vise à faire se renverser les représentations à partir d'un travail sur la forme de l'établissement. Evacuer les déchets, faire disparaître les rats, mettre à distance la boue, renforcer les baraques, les isoler de telle sorte à ce qu'elles ne puissent prendre feu, donner à l'espace, à partir des savoirs et savoir-faire des personnes habitant là, une qualité à distance des clichés assassins qui colportent qu'ici tout est branlant, tels sont les enjeux premiers d'une action qui, transformant l'espace, vise la transformation des regards portés sur ceux qui les habitent. Construire, c'est s'émanciper de la figure sulfureuse du dévastateur. Construire, c'est sortir du piège tendu par les identités distribuées de loin, pour tenir à distance des espaces de la communauté légale. Construire, c'est faire entrer le Rom dans l'espace social où vit paisiblement le Breton, c'est faire pencher le bidonville vers la ville.


Un enfant Rom s'est glissé dans cette assemblée.
Sauras-tu le discriminer ?

Huit non Roms se sont glissés dans cette assemblée.
Sauras-tu les discriminer ? 

samedi 29 décembre 2012

Dany ira à l'école


L'immensité du sourire de Dany et le feu d'artifice qui très souvent anime son regard font croire que rien ne saurait être refusé à ce gamin de 8 ans. A Ris-Orangis pourtant, on lui refuse l'accès à l'école.
En pleine journée, j'ai vu Dany tourner jusqu'à l'ivresse entre les baraques, seul mais hilare, comme s'il parvenait à peupler son triste monde de dizaines d'autres gosses. Secrètement, à la force d'une imagination sans doute coriace, il semble braver l'interdit municipal et s'inventer pour lui seul une cour de récré tumultueuse. Souverainement, il fait ainsi front à l'hostilité du monde et désarme les imbéciles qui nous gouvernent. Mais sa récré n'a pas de fin, et jamais la sonnerie pour Dany ne carillonne pour lui signifier la rentrée des classes. Lorsque l'ivresse vient à se dissiper, ou lorsque le climat l'exige, ce fils unique se blottit dans les quelques mètres carrés où vivent son père et sa mère. Là, scrutant le poêle à bois ou les panneaux publicitaires qui servent au presque logis de papier peint, il attend que les vents tournent. Fatigué de ne pas voir venir un autre monde, il perd parfois un peu de sa superbe. 


Dany, le 18 décembre 2012, après une visite à l'école
voisine pour distribuer à ses futurs camarades de classe
des invitations pour la fête du samedi 22 décembre.


Il y a la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée le 26 janvier 1990 à New-York. Parmi les droits qu'elle énonce, sans aucune considération "de race, de couleur, de sexe, de langue (...) d'origine nationale, ethnique ou sociale", figure en bonne place le droit à l'éducation pour l'exercice duquel "les Etats parties (...) rendent l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous". Il y a la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et son protocole additionnel n°1 dont l'article 2 dispose que "nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction", et dont l'article 14 pose le principe de la non discrimination sur ce sujet précis. Mais il y a aussi la législation nationale, et le code de l'éducation affirmant que "tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l'action de sa famille, concours à son éducation", et ajoutant que "l'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans". Au delà de la période d'instruction, le droit à l'école s'étend aux enfants français comme étrangers à la maternelle et aux classes enfantines où "tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans (...) si la famille en fait la demande". 

Malgré ces textes à la clarté peu discutables, certains élus se sont obstinés dans le refus à l'endroit de l'enfant étranger ou dont la famille occupe un domicile sans droit ni titre. Dans les annales du GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigrés / www.gisti.org), on trouve par exemple le cas du maire du XVe arrondissement de Paris, René Galy-Dejean qui, en octobre 2001, "estimait qu'inscrire des enfants habitant dans un squatt signifiait pérenniser l'occupation sans droit ni titre d'une part, et mettre en péril la santé des enfants, étant donné que l'immeuble "ne correspond pas aux normes de sécurité" d'autre part. Ces arguments ont été balayés par le juge administratif, qui a considéré que ces motifs étaient sans lien avec les pouvoirs d'inscription sur la liste scolaire que confèrent au maire les dispositions législatives et que, par conséquent, sa décision était entachée d'une erreur de droit".
Une circulaire ministérielle du 20 mars 2002 est venue rappeler aux élus quelques-uns de leurs devoirs les plus indiscutables, précisant qu'"il n'appartient pas au ministère de l'éducation nationale de contrôler la régularité de la situation des élèves étrangers et de leurs parents au regard des règles régissant leur entrée et leur séjour en France. (...) En conséquence, l'inscription, dans un établissement scolaire, d'un élève de nationalité étrangère, quel que soit son âge, ne peut être subordonnée à la présentation d'un titre de séjour".
D'ailleurs, il convient de souligner aux élus les plus étourdis que, jamais, un enfant ne s'avère en situation irrégulière. L'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France dispose en effet que "tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France doit, après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée sur le territoire français, être muni d'une carte de séjour (...)". A contrario, les étrangers âgés de moins de dix-huit ans ne sont pas tenus d'être en possession d'un titre de séjour. 

Malgré ces précisions on ne peut plus claires, certains élus s'obstinent encore dans le refus, justifiant leur position comme à Ris-Orangis à partir de l'argument selon lequel des enfants n'ayant pas de domicile sur leur commune ne peuvent accéder aux écoles des dites communes. 
Il y a un premier contre argument de bon sens : la domiciliation stricto-censu a été refusée à nombre de ces personnes résidant à Ris par le CCAS (Centre communal d'action sociale) alors que tel refus ne peut s'entendre que si les personnes ne justifient d'aucun lien avec la commune (circulaire du 25 février 2008). En tout premier lieu donc : refuser l'accès à l'école, après avoir refusé la domiciliation, pour cause de non domiciliation est d'une perversité sans nom.
Il y a un second argument portant sur la notion de domicile qui en droit positif, et indépendamment de la procédure de domiciliation, s'applique à tout lieu d'habitation sur lequel il y a, selon le doyen Jean Carbonnier, "présomption simple de présence permanente". Le domicile est donc en droit le lieu du principal établissement, et ce quel que soit le statut de cet établissement comme l'enseigne une jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation : il est le "lieu où une personne (...) a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux". 
Il y a un troisième argument inspiré du droit civil, et en particulier du Code de l'action sociale et des familles qui stipule que "l'absence d'une adresse stable ne peut être opposée à une personne pour lui refuser l'exercice d'un droit, d'une prestation sociale ou l'accès à un service essentiel garanti par la loi" (L264-3). La condition de la domiciliation pour accepter un enfant dans une école tient un peu moins encore, si tant est qu'elle ait tenue jusque là, au regard d'un texte qui rappelle que le droit de la République connaît la hiérarchie des principes, et que l'accès à l'école ne saurait être subordonné à quelque condition secondaire que ce soit.
Il y a un poing sur la table en guise de quatrième argument, celui de l'actuelle Ministre déléguée à la réussite éducative, alias George Pau-Langevin. Pour faire énième clarté sur l'obligation, pour un élu, de scolariser quelque enfant étranger qui le demande, celle-ci a, le 12 septembre dernier, transmis aux recteurs trois circulaires d'application immédiate. Le premier texte " vise à favoriser la fréquentation régulière d'un établissement scolaire dès l'école maternelle, à améliorer la scolarisation des élèves issus de familles itinérantes et de voyageurs". Le deuxième texte, portant sur la scolarité des élèves non francophones nouvellement arrivés, stipule que "l'obligation d'accueil dans les écoles et établissements s'applique de la même façon pour les élèves allophones arrivants que pour les autres". Le troisième texte "vise à définir les missions et l'organisation des Casnav", Centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage créés en 2002.

La Ministre avait annoncé fin août la publication de ces circulaires pour "inciter les éducateurs et les recteurs à aplanir les difficultés qui existent concernant la scolarisation de ces enfants, parfois pour des questions de domiciliation ou de questions sociales". Autrement dit, pour rappeler que rien ne saurait justifier le refus de scolariser un enfant étranger, Roumain y compris, ou encore que le droit à la scolarisation est un droit inconditionnel. Par conséquent, Dany ira à l'école. 


vendredi 28 décembre 2012

Lettre au Maire de Ris-Orangis

Ci-dessous, fac-similé de la lettre envoyée ce jour par email (et demain par voie postale) à Stéphane Raffali, Maire de Ris-Orangis, suivi de la reproduction dans le corps de ce billet du texte sans doute un peu plus lisible. 












Sébastien Thiéry
Coordinateur du PEROU
12, rue Jules César
75012 Paris

A l’attention de Monsieur Stéphane Raffali
Maire de Ris-Orangis
Place du Général de Gaulle
91 130 Ris-Orangis


Paris, le 28 décembre 2012




Monsieur le Maire, 




Depuis trois semaines, et à trois reprises exactement, j’ai sollicité auprès de votre directeur de cabinet une rencontre que ce dernier n’a jamais jugé bon d’organiser. A l’occasion d’une brève conversation téléphonique qu’il m’a accordée lundi 24 décembre au matin, celui-ci m’a répété que le PEROU n’était pas fréquentable, et que le fondateur de cette association que je suis s’avérait non digne de votre confiance. Je dois vous avouer avoir un peu de mal à accepter le rôle de délinquant que Monsieur Christian Richomme me prête alors que, vous l’avez sans aucun doute compris, le projet que nous défendons poursuit un seul et unique horizon : défendre les droits des citoyens européens qui ont élu domicile à Ris-Orangis, dans un bidonville situé en lisière de la Nationale 7.
N’ayant pour l’heure aucun moyen de dialoguer avec vous, je suis obligé d’entreprendre un monologue, en l’occurrence l’écriture de cette lettre. J’espère que vous accepterez d’y répondre et, par conséquent, que nous pourrons enfin entrer en relation de travail sur le sujet complexe qui nous concerne : la multiplication de bidonvilles sur notre territoire européen. Vous conviendrez que ce sujet est suffisamment complexe pour que personne, vous et moi y compris, n’ait quelque intérêt que ce soit à alourdir la tâche qui doit collectivement être la notre : répondre à ce genre de situations de telle manière à ce que la République en sorte grandie. 

L’arrêté municipal d’interdiction de la fête de Noël du 22 décembre que vous avez signé le 21 décembre fait référence au site Internet ainsi qu’au blog du PEROU - Pôle d’exploration des ressources urbaines. J’ai donc l’assurance que vous avez lu les textes publiés sur ces supports, et compris le sens des actions que met en oeuvre le PEROU sur le territoire de Ris-Orangis comme ailleurs. Je vous épargne par conséquent de nouveaux développements sur les enjeux que défend ce collectif de chercheurs, architectes et acteurs sociaux que je coordonne. Vous savez que nous nous sommes constitués en association afin d’explorer à nouveaux frais les situations de grande précarité urbaine qui jalonnent aujourd’hui nos territoires. Vous savez que nous n’avons pas plus de solutions que l’élu que vous êtes à apporter à ces situations, mais que nous sommes déterminés à inventer d’autres manières d’y répondre avec tous les acteurs concernés, au rang desquels vous figurez nécessairement. Vous savez que nos réseaux sont multiples, qu’ils comprennent des universités et des grandes écoles, de nombreux architectes européens parmi les plus remarqués, et des associations pionnières sur le terrain social. Vous savez que nous ne sommes pas irresponsables comme votre directeur de cabinet s’est plu à l’affirmer lors de ce dernier entretien téléphonique on ne peut plus stérile. Nous faisons bien au contraire de la responsabilité, entendue au sens littéral du terme, notre cheval de bataille, et entreprenons de faire face à la réalité des situations de grande précarité urbaine afin précisément d’y faire réponse. Vous savez encore que nous nous mobilisons contre l’irresponsabilité aujourd’hui «normale» qui conduit, dès lors qu’un bidonville s’établit, à expulser, détruire, et faire ainsi s’accroître la détresse de nos concitoyens européens qui y ont cherché refuge. Car, vous le savez également, l’expérience de ces dix dernières années d’une politique désinvolte à l’endroit des Roms nous enseigne que quiconque prétend nous débarrasser des bidonvilles par l’intervention violente de la pelleteuse contribue à leur fixation et à leur développement : déplacée de quelques centaines de mètres, dans l’urgence et l’effroi, la crise jamais ne se résorbe, mais s’amplifie. Une histoire folle parmi des dizaines d’autres : à Ris-Orangis réside une famille qui, en 8 ans de présence en France dont 6 en Essonne, a connu 16 expulsions. La morale de cette histoire est accablante : le déploiement de moyens policiers colossaux contre cette famille n’a fait que contribuer à sa fixation dans la misère. Vous l’admettrez aisément : pour cette famille comme pour vos administrés exaspérés, poursuivre une telle politique n’est pas responsable. 

Confrontée à de telles impasses depuis une dizaine d’années d’activité militante, et ne voyant aucune issue ne se dessiner à l’horizon des politiques publiques aujourd’hui mises en oeuvre, l’Association de Solidarité de l’Essonne pour les Familles Roumaines et Roms a sollicité le PEROU et ses réseaux afin d’expérimenter avec elle de nouveaux chemins. Depuis le mois de septembre, nous avons donc rencontré les familles, et mesuré combien les représentations aujourd’hui en cours de généralisation étaient aussi abjectes que le furent en leurs temps les délires racistes en direction des juifs, des arabes, ou de quelque autre minorité classée de seconde zone. Nous avons compris combien désigner les familles comme la cause de leur propre misère revenait à ajouter le poids de l’insulte à leur incroyable détresse. Nous avons pris conscience de l’urgence qu’il y avait à inviter les citoyens comme les élus à se confronter réellement au problème et à entendre enfin que les Roms ne sont pas le problème, mais ont un problème, notamment causé par la distance et l’aveuglement savamment entretenus par les forces les plus réactionnaires de notre pays. C’est pourquoi nous avons d’abord construit un espace d’interface entre l’ici et l’ailleurs, 30 m2 d’un équipement public éphémère inauguré le 22 décembre et ayant pour fonction d’accueillir les aveuglés que nous sommes collectivement afin de rencontrer les familles et faire nouvelle lumière sur leur histoire, leurs savoirs, leurs désirs, sur leur humanité en un seul mot. L’Ambassade du PEROU est d’abord cela : un lieu à partir duquel doivent se réformer les regards sur ce qui a lieu afin d’imaginer avec les personnes elles-mêmes de nouvelles réponses, humaines et dignes de la République que nous portons en héritage. L’Ambassade du PEROU est donc aussi un outil que nous offrons à vous et à vos services qui, jamais sans doute, ne rencontrez ces familles ailleurs que dans les contextes de violence, de controverse et de diatribes de toutes sortes que vous connaissez par coeur.  

Monsieur le Maire, vous vous alarmez à juste titre des conditions sanitaires de vie dans ce bidonville, de l’accumulation de déchets et de la présence de rats. Sachez que grâce à la mobilisation de Rissois, entre autres citoyens responsables, nous avons en quelques semaines évacué près de la moitié des ordures qui s’étaient accumulées là. A titre d’exemple, sachez que rien de moins que 400 sacs de 100 litres nous ont été nécessaires pour venir à bout de la montagne nauséeuse qui macérait à l’endroit où, aujourd’hui, se dresse l’Ambassade du PEROU. Sachez que ce travail se poursuit aujourd’hui, et que certain parmi vos administrés s’improvisent cantonniers pour mener à bien une action que l’élu républicain et socialiste que vous êtes devrait, sinon célébrer, tout au moins soutenir en acceptant de mettre en oeuvre, enfin, un ramassage des déchets digne de ce nom. En quelques jours alors, la situation sanitaire serait stabilisée. Dans le même sens, vous le savez, nous avons entrepris la construction de toilettes sèches, la mise en place d’un système de drainage des eaux de pluie, le traitement de la boue par l’installation de dizaines de mètres cubes de BRF, appliquant ainsi les techniques développées par n’importe quelle collectivité souhaitant assainir un terrain gorgé d’eau. Toutes ces initiatives de bon sens, nous nous appliquons à les poursuivre, ne pouvant nous satisfaire de ce que nous avons jusque là réalisé. Vous le savez, l’usage de la pelleteuse s’avère une technique qui ne vaut rien comparée à celles, élémentaires, que nous mettons ainsi en oeuvre afin de répondre au péril sanitaire que les acteurs publics sont de nos jours si prompts à invoquer, mais si peu enclins à résoudre. 

Monsieur le Maire, vous vous alarmez à juste titre des difficultés d’intégration de ces populations migrantes, européennes depuis 2007 mais malheureusement encore soumises en France au statut dit «transitoire», francophiles malgré cela, mais non francophones pour la plupart. Sachez que grâce à la mobilisation d’acteurs associatifs et au soutien financier de partenaires tels que la Fondation Abbé Pierre et la Fondation de France, nous entreprenons de faire de l’Ambassade du PEROU un sas conduisant du bidonville vers la ville, des marges vers le droit commun. Là, nous proposerons dès la rentrée des séances de soutien scolaire et des ateliers d’animation adressés aux jeunes, et en particulier aux onze enfants que vous refusez toujours d’inscrire à l’Ecole de la République, et ce, vous le savez parfaitement en homme de droit que vous êtes, au mépris du droit national comme international. Là, poursuivant le travail d’équipes médico-sociales du Conseil Général qui ont effectué visites médicales et campagnes de vaccination, nous accueillerons les services sociaux et sanitaires de structures qui, dans le cadre d’une MOUS que nous mettons ces jours-ci en place avec l’appui de la DIHAL, coordonneront leurs efforts afin de donner aux familles une perspective en termes de santé, d’insertion professionnelle, et d’accès au logement. Là, avec le concours d’une association spécialisée dans l’innovation sociale, nous ferons s’accomplir leur Service civique à 6 jeunes Roms du bidonville admissibles au dispositif en leur qualité de citoyens européens âgés de 16 à 25 ans. Là, nous accueillerons en résidence des architectes européens, des chercheurs de grandes écoles et d’universités de nos réseaux afin de contribuer, dans l’action, au renouvellement des savoirs sur les bidonvilles contemporains. Là, nous développerons ainsi une activité de laboratoire, grâce notamment au soutien financier du PUCA, organisme interministériel réunissant l’Ecologie et le Logement, qui s’est prononcé favorablement le 12 décembre dernier à la mise en oeuvre de ce projet. Là, durant un an et demi, nous accueillerons tous les acteurs déterminés à explorer de nouvelles manières de répondre à ce genre de situation et, ainsi, à faire école pour les bidonvilles alentours. Là, nous ferons la démonstration qu’un travail constructif peut et doit être entrepris avec des personnes quotidiennement malmenées, et dont les ressources jamais ne sont explorées. Partant du bidonville, prenant soin de l’espace et des hommes qui l’ont investi, nous en partirons enfin par le chemin constructif que nous aurons entrepris. Le 5 juillet 2014, les dernières familles quitteront les lieux pour une situation malheureusement pas idéale, mais sans aucune doute meilleure parce qu’elles auront, entre temps, bénéficié de moyens pour se construire un avenir en échappant à l’urgence qui aujourd’hui les accule à un présent perpetuel, et parce qu’elle se seront émancipées du statut de rebut humain qui leur colle encore à la peau grâce aux simples liens humains qui se seront tissés ici-même. Le 5 juillet 2014, nous restituerons à la collectivité ce terrain situé en lisière de la Nationale 7 et aujourd’hui classé «délaissé de voirie» par le Conseil Général, son propriétaire. Entre temps et grâce à notre travail commun, ce terrain aura sans nul doute gagné en qualité : non plus délaissé, il aura été augmenté de multiples usages, rêvé et imaginé de multiples façons. Tout au moins, aura-t-il été le témoin d’un chantier européen conduit aux seules fins de faire démonstration d’hospitalité, ce dont pourra s’enorgueillir, vous en conviendrez, la commune de Ris-Orangis. 

Monsieur le Maire, vous aurez compris que la rencontre que je me permets de solliciter avec insistance auprès de votre cabinet est nécessaire à la mise en place de ce chantier d’envergure. J’espère donc que ce monologue un peu trop long deviendra, grâce à la réponse positive que vous lui donnerez, un dialogue enfin constructif. 

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de bien vouloir accepter, Monsieur le Maire, l’expression de mes sentiments les plus républicains. 



Sébastien Thiéry





jeudi 27 décembre 2012

Aux Rissois responsables


Lors du seul entretien qu'ait daigné m'accorder le cabinet du Maire de Ris-Orangis - le mercredi 19 décembre exactement -, on m'a fait valoir que le peuple rissois, comme un seul homme, s'indignait de la présence de ces indésirables que sont les Roms. Florilège : "Des pétitions nous parviennent par dizaines !". "Tous les jours, nous recevons des appels de Rissois qui paient leurs impôts et hurlent leur colère". "Régulièrement, des riverains nous alarment de vols commis par ces populations".

Dans le monde qui est le nôtre, les élus tirent de ces témoignages intempestifs la justification d'une politique de harcèlement policier, d'expulsion des personnes et de destruction de leurs établissements. La main sur le coeur, ils s'affirment commandés par ces revendications légitimes d'un bon peuple excédé. Ainsi cultivent-ils une invraisemblable éthique de l'irresponsabilité : "Quel que soit notre sentiment profond sur le sujet, semblent-ils affirmer, nous ne pouvons faire autrement que terroriser ces populations que nos administrés jugent parasitaires".

Dans un monde où les élus demeureraient républicains, ceux-ci s'empresseraient d'engager des poursuites contre les pétitionnaires d'incitations à la haine raciale ou contre les vociférateurs de propos diffamatoires contre des populations marginalisées. Dans ce monde là, les élus s'empresseraient de défiler, écharpe tricolore en bandoulière et légion d'honneur au revers du veston, pour revendiquer leur attachement aux valeurs de la République. Dans ce monde là, ils adresseraient à leurs administrés le texte intégral de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, et leur rappelleraient ainsi les principes qui s'imposent à tous les peuples réunis dans cette construction politique d'avenir. Dans ce monde là, ils donneraient à leur fonction d'élu de la République le lustre qu'elle a manifestement cessé d'avoir : celle de gardien des lois commandée par une inoxydable éthique de responsabilité.

Heureusement, les élus mentent. A Ris-Orangis comme ailleurs, d'innombrables citoyens n'exigent pas que soient piétinés les principes fondamentaux, ni que soient maltraitées une fois de plus des populations dans la détresse. A Ris-Orangis comme ailleurs, la proportion des pétitionnaires et vociférateurs est dérisoire, bien que leurs manifestations bruyantes gênent la tranquillité de tout le voisinage. A Ris-Orangis comme ailleurs, des femmes et des hommes sont alarmés par le renoncement politique de leurs élus, et accablés par le traitement réservé à leurs concitoyens européens. Alors, certains parmi ces administrés qui paient pourtant bien leurs impôts s'organisent et assurent un véritable service public de substitution : toutes les 48h à compter d'aujourd'hui 18h, ces Rissois manifestement non comptabilisés par la Mairie ramasseront les ordures ménagères des familles vivant dans le bidonville et les conduiront dans les décharges environnantes. Ainsi poursuivront-ils le travail entrepris depuis des semaines, et contriburont-ils à ce que la situation sanitaire s'améliore. Ainsi feront-ils honneur à la fonction qu'ils ne croient pas être la leur : celle de responsable politique.


NB : Pour étoffer les rangs de ces justes Rissois, adresser un email à contact@perou-paris.org
NB 2 : Le chantier des toilettes sèches reprend également, et nous le poursuivons jusqu'à construire la vingtaine de toilettes nécessaires sur le site pour répondre, dans une dynamique constructive, à la question sanitaire.


Entretien des toilettes sèches. Scénario placardé dans les toilettes.
Dessin : Célia David-Mauduit. Traduction : Maela Plougastel

mercredi 26 décembre 2012

Adéla m'a appelé


Le jeudi 22 novembre à 14h, Adéla avait rendez-vous avec une assistante sociale du département. L'entretien fut bref, une dizaine de minutes tout au plus. Il n'en fallait pas davantage pour lui apprendre que dans moins de 24 heures, le vendredi 23 à midi exactement, il fallait qu'elle, ses trois enfants et son mari aient quitté l'hôtel social qu'ils occupaient depuis dix mois à Morsang-sur-Orge.

Le jour-même à 15h, Adéla m'a appelé. Sa voix serrée, ses mots incertains : tout trahissait l'effort inhumain qu'elle déployait pour retenir ses larmes, et me cacher sa détresse. Elle tenait ferme la rampe de sa "dignité", comme ils disent tous. Elle voulait parler un peu, évacuer, rire si possible. Elle souhaitait également trouver un moyen pour transporter les affaires de sa petite famille jusque dans le bidonville de Ris-Orangis où étaient installés quelques uns de ses cousins. Pour y trouver refuge.

Après un premier rire, Adéla eut, pour faire bonne mesure, un premier accès de colère : l'hôtel avait coûté 2 500 euros mensuels. Le contribuable français avait donc déboursé 25 000 euros pour si peu, pour un retour à la case départ. Dans l'élan, une seconde colère : l'assistante sociale, diligentée par le département, avait justifié la décision de cette expulsion pour cause de "non évolution de leur situation". George, son mari, n'avait cessé de vendre ses journaux "Sans-abri" dans les rues parisiennes ces dix derniers mois. L'assistante sociale voyait juste : il n'avait pas constaté d'explosion de ses ventes, et n'avait donc pas investi dans la pierre entre temps. Adéla avait prêté main forte et tendu le bras à la sortie de quelques métros parisiens, mais ses recettes n'avaient jamais laissé augurer, depuis fort longtemps d'ailleurs, une quelconque "évolution de sa situation". L'assistante avait l'oeil, mais avait-elle la mémoire ? Se souvenait-elle que, Roumains, George et Adéla ne pouvait accéder au marché de l'emploi comme n'importe quel européen lambda ? En jetant cette phrase à la figure d'Adéla, faisait-elle seulement preuve d'un cynisme monstrueux, ou se vautrait-elle en plus dans la faute professionnelle caractérisée ?

Robert, 10 ans, Ricardo, 8 ans, et Dolari, 5 ans, vont tous les trois à l'école, à Viry-Châtillon. Ils n'ont manqué l'école que le 23 novembre, à cause du tumulte de l'expulsion de l'hôtel. Dolari est terriblement passionné par l'école, et il se prépare parfois même le dimanche pour y aller. C'est qu'il a vécu en septembre dernier sa toute première rentrée scolaire. La directrice de la maternelle a convoqué ses parents dès le mois de novembre. Stupéfaite par les progrès du gamin, elle se devait d'alerter ses parents : il est probablement très doué, peut-être surdoué. George de s'exclamer, frappant sa main contre son front : "Je veux juste que mes enfants soient normaux, comme tous les enfants français !". Ses trois gosses sont en effet étonnants de vivacité, mais aussi de gentillesse. Ricardo m'a pris par la main samedi dernier, au beau milieu de la fête, pour me traîner jusqu'à sa maîtresse qui, remarquable maîtresse, avait répondu à son invitation et s'était déplacée jusque là pour faire de Ricardo un enfant fier. C'est son immense sourire qui me l'a dit. Je crois que le regard de la maîtresse m'a raconté qu'elle était émue.

Aujourd'hui 26 décembre, avec tous les enfants du bidonville de Ris Orangis et leurs parents, Robert, Ricardo et Dolari sont allés au Louvre, accompagnés par les vaillants bénévoles de l'Association de Solidarité de l'Essonne pour les Familles Roumaines et Roms (le reportage de France Culture, dans les infos à 12'50, à écouter ici ). Aux dernières nouvelles, aucun chef d'oeuvre n'a disparu. Adéla m'a appelé ce soir. Ses enfants sont rentrés surexcités. Robert lui a demandé de retourner tous les jours au musée. Elle m'a demandé si je pensais que c'était bien normal.


Photo de classe de Dolari

Chez Adéla, George, Robert, Ricardo et Dolari.
 22 décembre 2012

mardi 25 décembre 2012

"Le problème Rom"


Vent debout, la gauche unanime s'était indignée du "discours de Grenoble" du 30 juillet 2010, vomissement sarkozyste à l'endroit des "Roms et des gens du voyage" réunis, pour les besoins de la cause xénophobe, dans la catégorie "problème de sécurité publique". L'opposition humaniste s'était alarmée de l'amalgame présidentiel, de l'obsession droitière exigeant que soit confié à l'Intérieur le soin de traiter le dit "problème", et de l'aveugle violence alors déclenchée contre des installations "démantelées" comme on éradique des filières criminelles. Lundi 10 septembre 2012, le Président de la République, qui avait entre temps changé, annonçait envoyer le Ministre de l'Intérieur à Bucarest pour "que ce problème soit traité à la source", et ce au coeur d'une copieuse vague de "démantèlements" de dits "campements" de populations qui ne campent pas, mais cherchent refuge. Pour les Roms, le changement c'est pas maintenant. C'est en substance ce que, dès le 30 août dans Libération, Eric Fassin démontrait dans une tribune finement titrée : "Une xénophobie normale". Entre autres développements cinglants, l'auteur invitait à reconsidérer le paysage politique français à peu près comme suit : un homme de droite prétendra que le réfugié Rom est un problème, un homme de gauche qu'il a un problème. La raison est sauve : François Hollande, président de droite, poursuit "normalement" le travail entrepris par son prédécesseur.

Juste avant de se rendre en Roumanie en vue d'y "fixer" les Roms, parasites étrangement européens, Manuel Valls s'offrit le 11 septembre une conférence de presse stupéfiante pour un ministre de droite. Alors qu'il aurait pu se contenter d'un cynique communiqué évoquant la détresse de Roms que ses services terrorisent et humilient, il s'est emporté jusqu'à les qualifier de "damnés de la Terre", faisant ainsi référence au crucial ouvrage de Franz Fanon, lecture de chevet du Black Panthers Party. Manuel Valls a peut-être lu Franz Fanon, théoricien de l'émancipation subjective et politique des peuples méprisés, comme le furent les espagnols soumis à la dictature franquiste que ses propres parents fuirent dans les années 40. Manuel Valls a peut-être connu la terreur et l'humiliation, et trouvé dans Les Damnés de la Terre un souffle, une raison. Comment peut-il aujourd'hui à ce point déraisonner ? S'il n'était pas question ici de la vie de familles Roms soumises aux paroles scabreuses et aux actes délirants de nos responsables politiques, une question plus triviale aurait pu nous occuper : Manuel Valls est-il un problème, ou a-t-il un problème ? ­
Franz Fanon s'affirmerait aujourd'hui Rom parmi les Roms, peuple colonisé par des regards assassins l'assignant à résidence d'une identité problématique. Dans la France d'aujourd'hui, les Roms sont assujettis à un être-délinquant, ne souffrant pas comme tout le monde au travail légal. Leur douleur n'est pas belle, elle est obscène, feinte pour tout dire, tant ils ne peuvent manquer de s'organiser dans l'ombre de nos métropoles. Ici-même, les Roms sont assujettis à un être-parasitaire, ne jouissant pas comme tout le monde d'un logement propre. Leur habitat n'est pas digne, il transpire les bas-fonds, et germe telle une souillure physique voire morale exigeant que la civilisation nous en débarrasse. Contre cette aliénation qui condamne au silence l'humanité qu'ils sont, des voix se sont levées, des textes déversés, des films dressés. Patente est l'impuissance de nos formes communes d'indignation, incapables d'ébranler les images : désormais ordinaire, la violence faite à ces "insalubres" ne peut que se généraliser.

"Comment guérir le colonisé de son aliénation ?", questionnait Franz Fanon à contre-pied du réflexe d'indignation. Les Black Panthers l'ont compris, renonçant à "sensibiliser" le blanc pour enfin recevoir une improbable "reconnaissance", ou bénéficier de quelque hypothétique "solution" que ce soit. Ils arrachèrent bravement leurs droits avec quelques blancs affranchis, construisirent des écoles, créèrent un système de sécurité sociale, bâtirent leur histoire. Ainsi se sont-ils engagés sur le chemin d'une émancipation lourde de conséquences, à la force d'actes de création qui seuls peuvent renverser les regards assassins. Il n'y a pas de problème Rom, ni d'ailleurs de problème afghan, kosovar, ou polonais, mais que des réponses humaines à des situations qui ne le sont pas. Il n'y a plus à vociférer son indignation, mais à risquer des actes de construction qui, convoquant le geste et la parole de cette multitude devant le monde, l'arrache au statut d'immondice qu'un pouvoir de droite continue de lui coller à la peau.


Texte écrit pour la revue Mouvement en novembre 2012 en préfiguration de l'action du PEROU qui alors s'inventait.


Robert et Ricardo, deux enfants apparemment sans problème.
Scolarisés à Viry-Châtillon, ils vivent dans une baraque à
Ris-Orangis.

lundi 24 décembre 2012

Chez Roméo


Roméo et sa famille se sont établis là il y a trois mois. C'est un gaillard, épais comme un bûcheron. C'est un homme doux et fin comme le musicien qu'il est. Il a construit de ses propres mains trois baraques qui, côte à côte, font face à la Nationale 7. Aujourd'hui ont défilé d'innombrables vacanciers élancés vers quelques rassemblements familiaux. Lui et sa famille sont demeurés là, sans prêter grande attention aux vrombissements des cohortes.

Avec son mari et ses cinq enfants, vit ici Ekaterina, soeur de Roméo. Son sourire est délicat, ses gestes légers. Elle traverse sa petite baraque telle une danseuse, et attrape en bout de scène la tasse de café qu'elle s'empresse de nous offrir.

Roméo vit avec sa femme et ses parents dans la baraque d'à côté. Leur poêle a fonctionné toute la journée, et la chaleur est ici torride. Ils sont réunis autour d'on ne sait quelle discussion, comme écrasés par le sujet. On entre, ils s'animent, se lèvent presque tous pour nous céder un fauteuil. On commence à parler, et la discussion menace de ne jamais finir tant ils paraissent avides de nos paroles. 

La troisième baraque de ce petit ensemble précaire est habitée par les deux soeurs de Roméo, d'une trentaine d'années chacune. Elles sont constamment sous la surveillance de la mère jamais bien éloignée de ce nid particulier. C'est que les deux soeurs sont lourdement handicapées, autistes sans doute l'une comme l'autre. L'une d'entre elles cumule un handicap moteur l'empêchant de faire trois pas. Ce Noël en fut vraiment un : avec le concours de deux riverains, nous avons récupéré à Evry, auprès de l'Association des Paralysés de France, un fauteuil roulant. Elle a tapé dans ses mains en le voyant. Le grand père, heureux aux larmes, m'a offert un verre d'un alcool sans nom, imbuvable. Je l'ai bu quand même.

Ce matin Célia est venue finir la mise en route des toilettes sèches qui leurs sont attribuées : deux pour 11 personnes. C'est vraiment pas grand chose. Mais c'est énorme, tant et si bien que Célia risque de devoir boire un verre à son tour, un jour prochain, pour fêter ça avec le grand-père dont le sourire édenté égaye, malgré tout, un visage rayé par mille rides profondes de fatigue, de lassitude, de détresse. Peut-être qu'à la force de ce petit travail de fourmis qui est le nôtre, prenant soin des espaces et des hommes, quelques rides s'adouciront, quelques lueurs dans ce visage sec et sombre viendront à éclore. A l'instar de ces guirlandes que Roméo a accrochées sur la façade de ces trois petites baraques donnant sur la Nationale 7 pour communier, à sa manière, avec les vacanciers de Noël. 


Chez Roméo, 24 décembre 2012

dimanche 23 décembre 2012

L'Ambassade vivra

Hier avait un goût d'accomplissement. Aujourd'hui est un commencement. L'Ambassade du PEROU inaugurée, il va falloir désormais lui faire prendre toute sa dimension de lieu de fabrique de l'hospitalité. A cet ambitieux titre, elle nécessite d'être appropriée par une collectivité sans frontière : riverains, acteurs locaux, membres de l'Association de Solidarité de l'Essonne pour les Familles Roumaines et Roms, résidents temporaires invités par le PEROU, mais aussi évidemment gosses et familles vivant ici. Sur ce nouveau sol doivent s'inventer des paroles et des actes, rénovant enfin le répertoire des savoirs sur ces situations fantasmées mais inexplorées. Sous ce nouveau toit doivent s'imaginer d'autres avenirs pour des familles aujourd'hui clouées à un présent sans issue. L'Ambassade est un équipement public destiné, littéralement, à faire de la politique.


être ici, montage photo :Malte Martin

L'Ambassade est sans aucun doute celle du PEROU qui y établit sa permanence, mais elle doit voir se multiplier des ambassadeurs de tous poils. 

Ici seront reçus comme chez eux tous les riverains souhaitant partager leurs savoirs et savoir faire  : retraités (ou pas !) de l'éducation nationale pour accompagner les enfants dans la scolarisation qui leur est aujourd'hui refusée ; animateurs de tous horizons pour offrir aux enfants des moments de jeux, de travail, de chant, de théâtre, etc ; professeurs de français plus ou moins agréés afin d'accompagner les adultes dans l'apprentissage d'une langue qu'ils souhaitent faire leur ; amateurs ou professionnels de photo, dessin, cuisine, afin de donner une heure, un jour, une semaine, un mois de stage. Nous en appelons à toutes les belles volontés et les invitons à prendre contact avec nous pour l'organisation de leur présence dans ce nouveau centre ville. 

Ici seront reçus comme chez eux des acteurs sociaux que le PEROU, en collaboration avec d'autres associations spécialisées, mobilisera pour mener à bien un travail de fond, et dans la durée, avec des personnes dont le désir, élémentaire somme toute, est de travailler pour se loger. Puisque les savoir faire des femmes et des hommes ici présents sont innombrables, il s'agira de les valoriser dans une logique d'insertion professionnelle. Puisque les parcours et les désirs sont multiples, il s'agira de travailler avec chacun à l'écriture d'une histoire singulière. 

Ici seront reçus comme chez eux les acteurs politiques, locaux comme nationaux, déterminés à penser à nouveaux frais cette situation et à inventer de nouvelles réponses à celle-ci. Inscrite dans la ville, l'Ambassade pourra recevoir les réunions du Conseil de quartier dont elle dépend, mais aussi les réunions des associations dont l'activité fait écho aux problématiques rencontrées là. Outil diplomatique, l'Ambassade devra recevoir les élus locaux : de la Ville, de la Communauté de communes, du Département, de la Région, de l'Etat, pour débattre et imaginer des réponses où s'articulent les échelles administratives et politiques, à revers d'actions publiques aujourd'hui solitaires, presque désespérées. 

Ici seront reçus comme chez eux des chercheurs issus du réseau du PEROU, mais davantage encore, afin de contribuer à ce chantier que nous voulons manifeste sur les savoirs et les représentations. Des juristes, économistes, politologues, anthropologues, urbanistes, géographes, historiens viendront se mettre à l'épreuve de la situation originale créée par l'action du PEROU. Des équipes viendront ainsi en résidence une ou deux semaines afin de mener à bien une étude ou une expérience. Des équipes s'engageront là dans un plus long terme, suivront une famille, ou le commerce de la ferraille, ou les interactions avec les autorités locales. Des thésards prendront ce terrain comme l'un des cas traités dans leurs travaux, des étudiants s'y consacreront le temps d'un exercice. Toutes les initiatives poursuivant cette ambition d'explorer ce qui a effectivement lieu sont les bienvenues et le PEROU ouvre grande sa boîte aux lettres pour dialoguer de chacune d'elles. 

Ici seront reçus comme chez eux des architectes, designers, paysagistes, constructeurs déterminés à répondre par l'acte construit aux problèmes posés par cet établissement hors norme. Un diagnostic des pompiers s'imposera en premier lieu pour hiérarchiser les besoins. Puis, sous la forme de résidences mensuelles, l'Ambassade accueillera des équipes venues de l'Europe entière pour que puisse s'activer des temps de chantier remarquables. Ainsi, ce centre ville doit-il devenir manifeste tout autant qu'éphémère. 

Ici seront reçus comme chez eux des artistes, réalisateurs, compositeurs, hommes de théâtres, plasticiens. Pour y concevoir une oeuvre, un travail, une expérience. Pour y animer un stage, y donner un cours. Pour y exposer des pièces, y montrer un spectacle, y donner un concert. Car il s'agit de prendre très au sérieux le plaisir qu'ici et maintenant nous pouvons prendre et donner. 



Les ambassadeurs, photo Serge Guichard


samedi 22 décembre 2012

L'orage était terrible à Ris Orangis dès 8h. A 14h, la pluie s'est arrêtée.























Photos : Malte Martin, Julie Bonnier

Dans l'ordre d'apparition : Ambassade du PEROU / Julien Beller ; Être Ici Vivre Maintenant / Malte Martin ; Bouquets de ballons / Joana Zimmermann ; Tricksters / Didier Galas.
Mais aussi : d'innombrables amis, bien plus de riverains amicaux et d'enfants des écoles voisines que de policiers municipaux (4 fixés en permanence aux deux extrémités du bidonville), de la chaleur humaine plus qu'il n'en faut pour faire de cette fête une merveille de fête.

Tout reste à faire, mais tout sera fait.



Les premiers jours d'après la fin du monde (récit d'un commencement)











Roman photo : Merril Sinéus

vendredi 21 décembre 2012

A Rebecca, Ricardo, Dany, Fiorina, Benny, et les autres...



Les amis,


En quittant le bidonville ce soir, j'ai eu l'idée insensée de vous écrire un mot. Cette idée est en effet insensée : le Maire de Ris Orangis vous refusant l'accès à l'école républicaine, vous ne savez toujours pas lire la langue française et ne pouvez donc recevoir ce mot que je vous adresse. Puisque les autorités locales s'obstinent dans cette position pour le coup insensée, indéfendable en droit  (je le souligne aux citoyens européens que vous êtes, et aux français que certains d'entre vous deviendrons, nés sur ce territoire qui vous refoule), je vous promets d'apprendre bientôt le Roumain. En attendant je fais avec les moyens du bord, ce que vous comprendrez aisément. D'ailleurs, nous ne parlons pas la même langue, mais nous nous comprenons. Avec d'autres, c'est l'inverse.

Voilà quelques semaines que, ensemble, nous préparons cette fête de demain. Elle approche, et je sais combien elle est importante pour vous. Ce moment que nous avons passé ensemble avant-hier à inviter d'autres gamins de la ville est un souvenir indescriptible. J'ai vu, à m'en crever les yeux, que notre action tirait tout son sens de votre enthousiasme indécrottable, inexpulsable, indestructible. C'est vous qui avez fait se lever l'Ambassade du PEROU. C'est vous qui avez fait se déplacer des dizaines d'amis pour nous aider. C'est vous qui avez donné à Yvette, Toinette et Nicole la patate pour organiser la cantine du chantier. C'est vous qui avez conduit vos parents à se montrer si bienveillants, si rayonnants à l'idée de faire un bout de chemin avec nous. C'est vous qui avez fait tourner notre monde, qui tournait rond, et roulait vers sa destinée : faire que le monde hostile alentour finisse enfin, comme l'avaient programmé les Mayas, et faire que l'hospitalité prenne enfin ses droits. Or, aujourd'hui le vieux monde n'en finit pas de nous accabler, et c'est notre monde tout rond que l'on souhaite faire s'arrêter.

Demain, alors que vous deviez rencontrer chez vous des enfants du voisinage, vous risquez d'en être séparés par un cordon de forces de l'ordre. C'est en substance ce que promet un arrêté municipal qu'un agent est venu placarder sur le flanc de l'Ambassade à 17h30, à l'heure précise où ferme la Mairie de Ris Orangis nous empêchant malheureusement de prendre contact avec ses responsables pour tenter de dialoguer un peu mieux que cela. Pour vous épargner la lecture des "considérants" motivant la décision de cet exécutif municipal républicain, socialiste et européen, je vous en résume la teneur : chez vous il y a des rats, de la boue, des baraques approximatives et des maladies ancestrales sans doute ; il est donc impensable d'accueillir là des enfants tout propres de l'extérieur. Conclusion : votre fête est dangereuse, déraisonnable, insensée. Vous voyez, j'ai beau parler la même langue que le Maire, je n'en saisis pas la poésie. L'usage de la force est son vocabulaire, l'aveuglement sa tonalité. Tout m'échappe dans ce charabia qui singe la raison et transpire la peur panique de voir, un beau jour, un enfant Rom sourire avec un enfant bien de chez nous devant un spectacle sans frontière.

Mes amis, notre monde est défait. Je compte sur vous, sur les citoyens européens que vous devenez, pour nous tirer d'affaire ! En attendant, comptez sur moi, sur nous, pour vous retrouver demain, et pour nous marrer ensemble comme si c'était encore permis.


Sébastien


PS : En pièce jointe, pour vos archives, l'arrêté municipal en question.
PS 2 : Dire que je vous harcèle depuis des jours pour vous demander de jeter les papiers dans les poubelles, dire que nous avons passé des heures ensemble à ramasser les déchets, à les évacuer avec l'aide des riverains, et à faire place aussi nette que possible, dire que nous avons installé des toilettes sèches que nous avons décorées ensemble, dire qu'on a demandé à la municipalité de nous accompagner dans ce travail, de mettre en oeuvre enfin un ramassage des déchets... et voilà qu'ils nous disent qu'on est tout de même trop sales. J'ai honte de cette classe politique française, et je vous dois un peu des excuses.






jeudi 20 décembre 2012

Nouveau départ

Faire ensemble est sans doute le fondement même de toute communauté de vie et d'appartenance, de tout ce qui fait d'une ville une ville. En ce moment même, grâce à la mobilisation d'une quarantaine d'amis du PEROU, de la centaine de membres de l'ASEFRR, mais aussi de quelques dizaines de riverains de Ris-Orangis, nous faisons pencher le bidonville du côté de la ville. En ce moment même, en prenant soin des espaces, nous donnons à cet établissement de fortune le visage d'un lieu de vie, certes pas idéal, mais manifeste et fort de promesses d'avenir. En ce moment même, mus par l'enthousiasme des gosses avant tout, nous construisons le chemin qui, demain, débouchera sur la ville pour ces familles condamnées jusque là à en peupler les franges. En ce moment même, nous rêvons d'ailleurs en cultivant l'ici.

Le PEROU ne revendique évidemment pas le droit de prendre possession de ce lopin de terre au nez et à la barbe de son propriétaire, le Conseil Général en l'occurrence. Le PEROU revendique bruyamment par contre le droit de quitter ce terrain dans de bonnes conditions, et de rompre avec la logique de l'urgence condamnant les familles à trouver un bien nommé "point de chute" quelques centaines de mètres plus loin. Expulser c'est, nous dit-on, répondre à l'exaspération du voisin et à son désir de voir disparaître le bidonville de sous ses fenêtres. Expulser c'est, on ne le dit pas à ce voisin, faire bien au contraire s'enraciner le bidonville et s'accroître la misère qui ne sera déplacée que de quelques centaines de mètres, et qui reviendra fatalement demain suite à une enième expulsion exigée par le voisin d'en face. Que chacun de ces deux voisins en prenne la mesure : un arrêté municipal ordonnant l'expulsion donne 48h à une famille pour s'inventer un lendemain, c'est à dire pour ramasser quelques affaires, trouver un autre terrain, trouver de nouveaux matériaux nécessaire à la construction d'une seconde baraque (pendant les 48h on ne peut défaire celle où continuent de vivre ses gosses), et la construire enfin. Que chacun de ces deux voisins en prenne la mesure : l'expulsion déplace fatalement le problème de quelques mètres à peine, et ne répond en rien à leur légitime exaspération. Le PEROU veut offrir enfin le temps aux familles de préparer le départ pour que celui-ci s'avère un nouveau départ, à distance de là, à distance de cette situation que personne ne désire voire s'éterniser.

Ici, à Ris-Orangis, nous préparons un départ que nous programmons pour le 5 juillet 2014, date de la fin de l'année scolaire 2013-2014, et date à laquelle les Roumains comme les Bulgares seront enfin statutairement des européens de plein droit. Pendant un an et demi, le PEROU veut offrir les conditions d'un véritable travail social, durable, rationnel, émancipé de l'urgence, inscrit dans un temps constructif. Pendant un an et demi, par l'entremise de son Ambassade, le PEROU veut inviter des acteurs sociaux dans des conditions leur permettant de travailler sereinement, réellement, efficacement. Pendant un an et demi, à travers les liens qu'il aura consolidés avec le voisinage, avec les associations locales, le PEROU veut tricoter des solidarités, cultiver les liens élémentaires qui font la qualité d'une collectivité.

Ce travail là, ce "faire ensemble" qui est l'autre nom de "la politique", nécessite le concours de tous les acteurs publics concernés par la situation. Rien ne doit s'opposer à ce que tous ces acteurs s'engagent dans la même direction, celle indiquant le chemin d'une sortie réelle du bidonville, et d'une disparition de celui-ci dans un an et demi. Rien ne doit donc s'opposer à ce que les enfants soient enfin scolarisés à Ris-Orangis, et tout l'ordonne, le droit national en tout premier lieu. Rien ne doit donc s'opposer à ce que le ramassage des ordures soit enfin organisé par la collectivité, et sans parler de droit, c'est l'humanité la plus élémentaire qui l'ordonne puisque au milieu des rats qu'attirent les immondices vit entre autres gosses Alex, âgé de 7 jours à peine. Rien ne doit donc s'opposer à ce que l'on mette à disposition de ces familles un point d'eau, et tout l'ordonne, le droit international notamment. Refuser l'école, le ramassage des ordures et le point d'eau c'est condamner les populations à la vie de misère qu'elles connaissent aujourd'hui, et condamner les voisins à cohabiter avec cette situation et à subir la violence qu'elle entraîne. C'est, en tous points, le strict opposé de ce que veut dire "faire de la politique".

Pendant un an et demi, on améliore la vie. Dessin : Célia David-Mauduit



Le 5 juillet 2014. Dessin : Célia David-Mauduit

mercredi 19 décembre 2012

mardi 18 décembre 2012

Je t'invite chez nous

Aujourd'hui, cinq toilettes sont sorties de terre, et ont fait gagné un peu de terrain à la salubrité, en gardant en tête que la route est encore longue...
Aujourd'hui, l'ambassade a continué de croître, malgré la pluie, mais grâce à la chaleur environnante.






Aujourd'hui, nous avons accompagné Rebecca, Dany et Benny jusqu'à la grille de l'école de Ris-Orangis dont l'accès leur est encore refusé par la Mairie. Pour un moment, la directrice, on ne peut plus hospitalière, leur a offert de visiter l'école, de pénétrer les classes, de rencontrer d'autres gamins, de ressentir l'ambiance à laquelle ils espèrent un jour prochain participer. Avant de partir, ils ont offert des cartons d'invitations à leurs prochains camarades de classe, puisqu'il ne peut en être autrement. Inénarrable émotion.




NB : Demain au programme : montage de l'Ambassade, finalisation des toilettes, travail du sol de telle sorte à repousser un peu plus loin la boue coriace.