mercredi 30 juillet 2014

La folie près de chez vous


En avril dernier, Jean-Paul Curnier publiait aux éditions Lignes Prospérités du désastre, recueil non pas d'indignation, mais "d'aggravation". La thèse de l'auteur : les choses étant ce qu'elles sont (politiquement, socialement, moralement, culturellement), rien ne sert de prétendre y remédier, mieux vaut bien au contraire s'employer à les aggraver. Thèse étayée par ces quelques lignes, en quatrième de couverture :
"Alors, si ce monde va aussi franchement et volontairement à sa perte, autant qu'il y aille vite pour en vivre au plus vite le remplacement. Et il convient même de l'aider à chaque fois que cela s'avère possible. Pas de le critiquer ou de le condamner - c'est là une affaire hors de saison, une ancienne ferveur pour le sauver contre son gré ; non, il convient au contraire de faciliter toute chose sur la voie de laquelle il s'est engagé".


Alors que nous construisions encore,
au mépris de la gravité.
2 juillet 2014, Grigny, terrain de la Folie.
Photo : Jean-Pierre Le Hen


Durant près de deux années de travail en Essonne, le PEROU a exploré une voie tierce, entre indignation et aggravation, celle de la construction. Il s'agissait ainsi de poursuivre une hypothèse de recherche : partant de l'extrême pauvreté des savoirs sur ce qui a lieu (des camps, des campements, des bidonvilles, des Roms, des nomades, des migrants, etc) comme sur ce qui pourrait avoir lieu (du harcèlement, des expulsions, des destructions, des obligations de quitter le territoire français, des villages d'insertion, etc), nous visions avec les outils de l'architecte notamment la rénovation du répertoire des questions comme celui des réponses relatifs à ces situations de violence rencontrées notamment à Ris-Orangis et Grigny.
Nous commettant avec le terrain occupé, avec les familles réfugiées, avec les riverains exaspérés, avec les associations indignées, avec les pouvoirs publics dépassés, avec en somme la constellation des acteurs liés à ces situations, nous souhaitions porter un regard non seulement actif, mais "embarqué", comme il se dit du journaliste "embedded" au sein des forces en conflit. Nous avons énormément appris, et nous efforcerons dans les mois à venir de transmettre ces savoirs conquis sur la scène d'une violence protéiforme, violence rencontrée parfois là où nous n'imaginions pas la trouver. Ainsi pourrons-nous mesurer le degré de pertinence de cette voie empruntée par le PEROU, à savoir celle de la construction : par la somme de savoirs que pourraient en récolter d'autres que nous qui souhaiteraient agir au beau milieu d'autres désastres que ceux de Ris ou Grigny.


Article publié le 10 juillet dans Le Républicain, hebdomadaire de l'Essonne. 


La dissolution du bidonville de la Folie est aujourd'hui si vaste que construire est devenu hors de portée : habité par des familles désormais sans espoir, le terrain n'est plus que cloaque, le cinéma que misère. Aggraver le cas des acteurs responsables d'un tel désastre pourrait finalement s'avérer la seule voie qui vaille.
Aggraver le cas de cette Mairie communiste en premier lieu qui, apprend-on la semaine dernière, n'accueillera sur son territoire aucun projet d'insertion, en dépit de toutes les rumeurs savamment orchestrées ces dernières semaines. Toute la panoplie du cynisme et de la lâcheté aura été explorée par cette équipe municipale dont la seule représentation auprès des familles aura été assurée par  le "Directeur Prévention, Sécurité et Hygiène", signe de l'assimilation par ces grands humanistes de la philosophie sarkozyste selon laquelle la condition des migrants relève du domaine de la sécurité. Toutes les stratégies auront été développées, en s'appuyant notamment sur quelques fidèles camarades membres de l'Association de Solidarité de l'Essonne avec les Familles Roumaines et Roms, pour casser le travail entrepris par le PEROU et faire se diviser les familles à son sujet : rumeurs insistantes sur les finances de l'association et la fortune de ses responsables, diffamations en tout genre soigneusement colportées jusque bien au-delà de l'Essonne, formes plus ou moins raffinées d'insultes proférées aussi régulièrement que faire se peut, etc.
Aggraver le cas de ce Préfet de l'Essonne dans le même mouvement, représentant de l'Etat sans doute, mais manifestement pas des textes de la République. Certes, ce dernier a-t-il enfin consenti la semaine dernière à ce que la "base de vie" de Ris-Orangis s'ouvre à de nouvelles familles, et 6 parmi celles avec lesquelles nous oeuvrions à Grigny ont été "sélectionnées" pour y être accueillies jusqu'à décembre 2015. Le reste, rebut (une trentaine de familles donc) parmi le rebut, sera par conséquent sous son autorité "dégagé" du terrain de la Folie, invité à trouver sa vocation ailleurs. Un ailleurs qui, entre nous soit dit, s'avère si proche que ce même Préfet aura dans quelques mois la piètre besogne de répéter ce même geste à l'endroit des mêmes familles.

L'aggravation du cas de ces acteurs publics passe sans doute par la grande publicité faite à ces décisions d'une immense incurie, mais aussi par un art d'en rire aussi bruyamment que possible. Car la violence leur sert de parure royale, costume sombre de l'homme responsable, et la colère comme l'indignation qu'elle suscite, sinon excite, fonctionnent telles des confirmations de cette détestable stature. Sous les coups de butoir du rire féroce, cette violence pourrait enfin apparaître simplement grotesque, à l'image de la politique que ces "responsables" conduisent.
Grotesque puisqu'il est probable que de tels événements puissent à nouveau survenir. Grotesque puisqu'il est probable que les familles expulsées se réinstallent à Grigny ou à Ris-Orangis. Grotesque puisqu'il est probable que les mêmes acteurs-Shadocks pompent et pompent lamentablement des années encore. Grotesque puisqu'il est probable qu'ils déploient de nouveau des moyens considérables pour des résultats aussi considérablement nuls.
Seul argument pour leur défense : leur cas n'est pas isolé, puisque cet été la vacance politique est généralisée, commandant qu'on expulse jusqu'à l'ivresse à Viry-Châtillon (menace d'expulsion imminente est faite aux familles du bidonville du Bellay, où nous avions également travaillé avec l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Bretagne, présenté ici), comme à Calais (lire ici la tribune publiée hier dans Libération signée notamment des chercheurs que nous sommes). Il est donc nécessaire, jusqu'à l'ivresse également, de faire suivre ce flyer annonçant l'ultime spectacle du Festival de la Folie, le plus grotesque d'entre tous :



mardi 15 juillet 2014

Au mépris de la pelleteuse


Mercredi 9 juillet, accompagné de cinq hommes en uniforme, l'associé de Monsieur Papillon, huissier de justice à Evry, s'aventurait sur la Folie tirant une valise, volumineuse et solide. Il répertoriait les adultes présents, des dizaines comme escompté. Il ouvrait sa valise, et remettait à chacun 13 pages dactylographiées, recto-verso, comprenant la signification d'ordonnance rendue par le juge le 13 décembre dernier, ainsi que le commandement de quitter les lieux. De les "libérer" était-il ajouté pour faire plus sympathique. "Immédiatement et sans délai", était-il en gras et majuscules précisé pour faire moins sympathique.



Extraits du document délivré aux familles de la Folie le 9 juillet par
l'associé des huissiers Papillon. 


La visite de l'huissier Papillon ne manquait pas de produire immédiatement son effet : promettant l'affrontement imminent, ces 13 pages commandaient effectivement aux familles de fuir. Notamment celles comprenant des enfants auxquels on préfère évidemment épargner le face à face avec les pelleteuses. En quelques jours, la moitié des familles se sont évanouies dans la nature, préparant déjà la reconstitution d'un nouveau bidonville. Nous leur avons données tous les matériaux investis sur la Folie par le PEROU ces dernières semaines : le bois de la résidence, celui du parquet, la toile et les bâches. Avec le soutien d'Emmaüs, nous avons mis de côté de nombreux bagages, sacs de vêtements et de couvertures. Au quotidien, nous consignons les objets que chacun souhaiterait emporter un peu plus loin, et veillerons autant que possible à les mettre à l'abris la veille du passage de la pelleteuse. Liste à la Prévert, assortie de quelques redondances frappantes : lit ; poêle à bois ; meuble ; poêle à bois ; bâche ; poêle à bois ; vélo ; poêle à bois ; boules en plastiques qu'ô grand jamais nous ne laisserons piétiner par un régiment de CRS ; poêle à bois ; vaisselle ; etc.













"Que mettre à l'abris rapidement si
les pelleteuses venaient à passer ?"
Une consigne, 13 juillet 2014


Dans quelques semaines, le Maire de Grigny, ou celui de Ris-Orangis, ou celui d'une commune toute proche déplorera la présence d'un nouveau bidonville, qu'il s'efforcera de faire disparaître rapidement. Après l'effet Papillon, l'effet plumeau : des personnes telles de la poussière que l'on balaie, qui disparaissent quelques instants, puis se déposent un peu plus loin. Nouveaux indésirables moutons agglutinés dans un coin du territoire, qu'il conviendra de nettoyer encore et encore. Tout en prétendant qu'il n'y a rien d'autre à faire. Coups de balais de luxe : 320 000 euros le passage. Qu'importe, on déraisonne en coeur de nos jours. Ce qui importe : que le voisin fasse de même. On expulse pour se fondre dans l'air du temps, lâches et sans audace ça va de soi. Le pire serait de prendre le risque de faire mieux, et de contredire l'évidence rapportée par les "responsables" à l'unanimité ou presque : qu'il n'y a vraiment pas d'autre solution.



"Des choses à récupérer ? Notre vaisselle !"


La diplomatie du PEROU a conduit les maires sur les territoires desquels elle s'est retrouvée à faire pire, c'est à dire à rompre avec l'évidence la plus misérable, et à ne pas agir aussi aveuglément que leurs voisins. A Ris-Orangis, on tendait aux familles la menace d'un nettoyage radical : "Il faut rapidement vous installer ailleurs !", leur affirmait le Maire lors d'une virée sur le bidonville de la Nationale 7 début décembre 2012. En mai 2013, 10 familles parmi celles qui avaient été ainsi menacées étaient accueillies dans un lieu de vie temporaire, dans le cadre de ce qui s'avérait le tout premier projet d'insertion mis en place en Essonne. A Grigny, on revendiquait la tolérance zéro, la fermeté non sans une pincée d'humanisme : "Donnons-leur de quoi manger, afin qu'ils ne fassent plus la manche devant la Poste, mais qu'ils sachent bien qu'ils ne passeront pas l'hiver !". Ainsi s'emportait le premier adjoint au Maire lors d'une réunion en mai 2013. En juin 2014, l'hiver passé depuis longtemps, on nous informait qu'un projet s'envisageait. Aujourd'hui même, les pouvoirs publics se mobilisent effectivement afin de donner vie à ce projet sur un terrain situé à quelques centaines de mètres de la Folie.

Tout en gérant le quotidien étouffant créé par la menace du pire, nous nous efforçons de travailler dans le sens de cet hypothétique projet, achevant ces prochaines semaines les études conduites avec les familles afin de concevoir des lieux de vie temporaire de qualité. Aussitôt que possible, nous déposerons ces études sur les bureaux du Préfet, du Conseil Général et de la Mairie. Le PEROU est hautement méprisé par la Mairie : nous sommes dangereux et malhonnêtes, évidemment manipulés par des forces politiques adverses. Par conséquent contraints de ne pouvoir collaborer à la mise en oeuvre du projet municipal, nous nous contenterons d'envoyer au Maire le fruit des travaux des quatre équipes d'architectes accueillies en résidence sur le terrain de la Folie ces dernières semaines. Nous ajouterons une pierre à l'édifice : une salve régulière d'emails adressés à ce Monsieur Philippe Rio afin que, malgré le "nettoyage" prochain de la Folie, il remue effectivement ciel et terre en vue de la bonne réalisation de ce projet d'insertion.








"Après le bidonville". Premières esquisses du collectif Prémices, juin 2014. 


Aujourd'hui même, le bidonville de la Folie se dégrade à vue d'oeil, les familles le désertant autant qu'elles le peuvent. La Mairie n'en attendait sans doute pas moins en diligentant l'huissier Papillon mercredi, alors que devant le Conseil Général il y a quelques jours elle jurait grand Dieu que l'expulsion n'aurait pas lieu avant l'aménagement effectif du terrain choisi pour accueillir dix familles. Pour un Maire soucieux d'afficher son légendaire humanisme, rien de plus agréable que l'auto-expulsion : la pelleteuse n'aura quasiment plus qu'a rassembler les déchets et morceaux de baraques abandonnées ; aucune image ou presque ne saura à déplorer des forces de l'ordre jetant sur les routes de Grigny femmes et enfants.

Le PEROU s'est engagé en Essonne non pour manifester son indignation, mais pour en apprendre sur la situation, sur les causes de cette déroute généralisée à la France entière, sur les chemins éventuels à entreprendre pour sortir de ces impasses. Nous avons encore à rassembler savoirs et savoir-faire constitués durant ces deux années, pour les transmettre à d'autres que nous, y compris aux élus sous la forme d'un guide pratique en réponse à "l'art municipal de détruire un bidonville". Car en face, cela fait des années que les pelleteuses s'escriment, que les textes s'éprouvent, que les stratégies s'affinent du passage de l'huissier à la manipulation de la presse comme des familles elles-mêmes. Des sommes résultent de l'expérience ainsi accumulée, tel le guide de 12 pages publié par Christian Estrosi il y a un an, formidable manuel de l'hostilité à l'usage des Maires de France et de Navarre. Se contenter de cris d'orfraie, de manifestations de colère ou de banderoles d'indignés est aussi inefficace que dangereux : la névrose des Shadocks menace quiconque répète un même geste attendant qu'un résultat nouveau en advienne. Il nous faut tout réinventer, des formes comme des desseins de la résistance au pire, des techniques comme des discours qui la constituent. En s'appuyant sur une évidence, obscène pour la plupart, y compris chez celles et ceux qui se veulent "défenseur des plus pauvres" : que dans le bidonville comme ailleurs, c'est la vie et non l'indignité qui règne, que c'est la folie et non la misère qui commande. Le PEROU s'est donné cette ligne, élémentaire : suivre le chemin de la vie qui a lieu, de la folie qui invente, insulte souveraine adressée au passage de la pelleteuse et aux lâches et transits de peur qui le programment.


En lieu et place de la Résidence du PEROU : ce que la pelleteuse ne détruira pas fera
la matière première de prochaines constructions.
Bidonville de la Folie, Grigny, 13 juillet 2014. Photo : Laurent Malone

Un message à adresser à la pelleteuse ?
Bidonville de la Folie, Grigny, 13 juillet 2014. Photo : Laurent Malone

dimanche 6 juillet 2014

L'annonce du pire


Samedi matin, les représentants de l'Association de la Folie en Essonne, fondée la semaine dernière par les familles du bidonville de la Folie, étaient reçus en Mairie accompagnés de riverains du Collectif des Ambassadeurs des Roms. Sérieusement, la Mairie faisait valoir un argument majeur : détruire est une fatalité pour une collectivité sans le sou. Il a fallu répéter que l'expulsion coûte plus cher à la Mairie (la moitié des 320 000 euros à peu près, pour la remise en état du terrain), que ne coûte la stabilisation du bidonville et sa résorption progressive au fur et à mesure de réponses durables proposées aux familles. Il a fallu expliquer que le coût de projets d'insertion n'est par définition pas à la charge de la Mairie, mais de l'Etat et de l'Europe (les fonds sociaux européens prévus à cet effet sont utilisés en moyenne par les Etats membres à hauteur de 30%, la France étant l'un des Etats de l'Union les plus frileux à mobiliser ceux-ci). Il a fallu expliquer que les familles demandent depuis des mois de s'acquitter des charges inhérentes à la situation, notamment du règlement de la facture d'eau. C'est le sens d'une lettre envoyée dans la foulée à la Mairie, signée par les représentants de l'Association de la Folie, lettre publiée ci-dessous.






Au diable les explications rationnelles : nous apprenons ce soir que la Mairie n'entend que sa propre folie et engage le processus le plus désastreux qui soit, à savoir détruire le bidonville et tout ce qui a été mis en oeuvre depuis des mois avec les familles. Demain ou mardi matin, un huissier devrait transmettre aux familles la misérable nouvelle. CRS et pelleteuses dégageront tout ce qu'ils peuvent 48h plus tard, et nettoieront la Folie de la vie qui s'en était emparée. Depuis quelques semaines, la Mairie arguait d'un projet pour dix hypothétiques familles qu'elle promettait de sélectionner en vertu d'on ne sait quel obscur principe. Il ne s'agissait là que d'une rumeur faite pour endormir et diviser les familles ne sachant à quel saint se vouer : à l'heure où démarrent les pelleteuses, aucune espèce de dispositif n'est en place pour accueillir qui que ce soit, sinon quelques chambres d'hôtel sociaux souvent miteuses et nécessairement dispersées dans toute l'Île-de-France. Si tant est que les acteurs publics poursuivent cette vague idée une fois débarrassés du "problème", des mois et des mois seront encore nécessaires à la mise en oeuvre de telle réponse durable d'insertion telle que prévue par la circulaire du 26 août 2012. Par conséquent, 150 citoyens européens seront dans quelques heures purement et simplement chassées de Grigny par les forces de l'ordre françaises, y compris les personnes (une quinzaine) aujourd'hui employées qui ne pourront donc rejoindre leurs lieux de travail en raison de la détresse dans laquelle elles seront plongées.

Face à l'aveuglement et la surdité, les familles ont en urgence formé appel de l'ordonnance de référés rendue par le Tribunal de Grande Instance d'Evry du 13 décembre dernier prononçant leur expulsion. Devant la Cour d'Appel de Paris, cette procédure a été engagée vendredi, il y a 48 heures. Puisque les acteurs publics n'entendent pas respecter les textes, ni les lois, ni les principes fondamentaux, ni les circulaires, ils se passeront sans doute d'attendre que le juge se prononce sur cet appel. Nul doute pourtant que le juge entendra le plus élémentaire qui soit : que depuis le 13 décembre dernier, la situation est bouleversée, les familles inscrites dans de multiples processus d'insertion, leur avenir sur le chemin d'une manifeste éclaircie, et qu'il convient donc de sursoir à l'expulsion. Au diable la justice et l'avenir ! Les pelleteuses se chargeront cette semaine de remettre les compteurs à zéro, et d'enfoncer les familles dans la situation dans laquelle aucun acteur public, ou presque, ne semble enclin à les autoriser de sortir : l'errance, le dépit, la terreur.

Nous vivons en 2014, en France, dans un pays monstrueux où la raison est en sommeil comme l'évoquait mercredi dernier Geneviève Fraisse à l'occasion de cette fête extraordinaire que nous avons partagée sur le terrain de la Folie. Nous avons d'innombrables conclusion à tirer de cette expérience là, de lignes à écrire, dont les plus révoltées à envoyer à la figure des acteurs publics responsables du désastre à venir, élus hors la loi auquel nous avons été confrontés ces derniers mois. L'urgence n'est pas à cela, puisque c'est du quotidien dont il nous faut aujourd'hui nous soucier : soutenir chacun, mettre quelques affaires à l'abri, accompagner les familles on ne sait où. Et préparer, malgré tout, l'avenir avec ces familles qui se réinstalleront non loin de là, comme tout le monde s'en doute. Mais puisque les acteurs publics en question parcourent nerveusement ces lignes à chacune de leur parution, qu'ils sachent bien que nous ne cesserons de faire publicité de leurs actes d'une lâcheté certes banale par les temps qui courent mais ô combien détestable, de leur refus catégorique de coopérer depuis des mois avec nous tous qui n'avons cessé de nous rendre disponibles pour les accompagner, de leurs mensonges osés jusque devant les familles pour sauver les apparences d'une morale de laquelle ils ne cessent de se réclamer, de leur mépris de la loi de ce pays comme des personnes vivant sur leur territoire. Au PEROU, nous avons coutume de construire, de suivre les pentes vertueuses, et de ne pas perdre une seconde à manifester colère ou indignation sous quelque balcon que ce soit. Nous dérogerons à la règle quand le calme sera revenu sur le terrain de la Folie, afin que le calme ne se réinstalle pas trop vite chez les édiles ayant fait le choix de la déraison.

Ci-dessous, quelques images prises mercredi soir sous le ciel de la Folie : les regards étoilés d'enfants européens auxquels on raconte que leur vocation est de vivre éloignés.









La Folie, Grigny, 2 juillet 2014
Photos : Stefan Zaubitzer







vendredi 4 juillet 2014

C'était la Folie



"Vous écrivez que le bidonville est un lieu de vie. C'est insulter les personnes qui y habitent".
Claude Vazquez, Premier adjoint au Maire communiste de Grigny, avril 2013, à l'occasion de la seule et unique réunion que le PEROU ait eu l'honneur d'obtenir de la Mairie.


Ce mercredi 2 juillet, le bidonville de la Folie offrait un visage dénotant avec la ville alentour, celui d'un lieu de vie au centuple. Innombrables furent les convives, impressionnante foule venue d'ici et d'ailleurs emportée par l'extraordinaire joie de Tony Gatlif : élus régionaux et nouveaux nés franco-argentins, vieux compagnons de lutte comme inconnus franchissant pour la toute première fois le seuil de la Folie, valeureux représentants d'associations essonniennes comme illustres représentants du monde du cinéma ou de la danse venus des quatre coins de France, blacks comme beurs, roumains comme péruviens. Invraisemblables furent les danses et les musiques. Inoubliable fut cette séance de cinéma, la beauté des rires et des commentaires à la cantonade qui la ponctuèrent, l'incandescence des lumières qui l'enveloppèrent. Le monde entier s'est étreint sur cette place merveilleusement publique, substrat précis de ce qui distingue une ville d'une morne plaine. Sans mouvements migratoires, sans nouveaux venus (90% des électeurs du Maire communiste de la Ville sont venus d'ailleurs ces 50 dernières années), une ville s'éteint et dépérit. Exigeant que les pelleteuses préfectorales détruisent le bidonville de la Folie la semaine prochaine et chassent au loin celles et ceux qui ont illuminé Grigny ce mercredi, ces élus municipaux concourent à la destruction de ce qui constitue la ville dans sa plus intime réalité. Aveugles avant d'être lâches, ils cassent ce qui nous fait tenir ensemble.

Geneviève Fraisse n'était pas la moins illustre des convives ce mercredi, ni la moins encline à s'abandonner à quelques danses endiablées. Quittant la Folie au beau milieu de la nuit, et méditant sur la volonté municipale d'expulser et détruire, elle glissait à l'oreille de la ville de Grigny ces quelques mots de Goya : "Le sommeil de la raison enfante les monstres".


PS : Il y avait tant de monde pour mesurer la Folie et la déraison, que Le Monde lui-même en était. Un grand article en atteste, à lire ici.

PS 2 : La Folie reste à vivre, tant que les pelleteuses ne la gagnent pas, et le Festival ouvert mercredi reste à occuper par tous les événements que l'on puisse imaginer : il s'agit là d'un cinéma public, d'une scène ouverte, d'un espace commun où tout peut (doit) avoir lieu. Programmateurs anonymes ou pas, contactez-nous rapidement, puisque les programmateurs du désastre ne sont pas loin d'avoir ficelé leur événement : contact@perou-paris.org










La Folie, mercredi 2 juillet (Photos : Camilla Martino)




La Folie, mercredi 2 juillet (photos : Laurent Malone)



mardi 1 juillet 2014

Ici et Maintenant (un dernier appel de la Folie)


Etre nombreux, non pour faire "masse critique", comme si le décompte des corps rassemblés sur la Folie (selon les organisateurs) pouvait avoir raison de la déroute qui se prépare (selon la police). Etre nombreux, au mépris des calculs scabreux ("Si nous vous mettions une dizaine de corps en plus, vous accorderiez bien un jour ou deux de surcis ?"), pour vivre le plus intensément qui soit ce temps que personne ne saurait effacer, pas même la pelleteuse devenue arme majeure de ce qui ose encore se nommer "politique publique". Puisque c'est une guerre qu'ils conduisent, nous ferons la fête. Pour faire apparaître étincelants les visages de celles et ceux que l'on dépeint sombres, indignes de la paix que nous nommions jusque là "République". Pour s'offrir le luxe, au beau milieu du bidonville, de rire de la grande pauvreté de ces acteurs publics : sans ressources aucune, démunis de tout, de l'idée même qu'un lieu de vie puisse devenir autre chose qu'un désert. Etre nombreux ici et maintenant, vivants sur le terrain de la Folie, pendant que déraisonnent dans leurs QG repliés ces tenants d'une politique morte, sans avenir.

Ce mercredi 2 juillet, à partir de 18h et jusqu'à l'aube, nous festoierons avec vous, nombreux !






Sous le ciel de la Folie, Grigny, 1e juillet 2014



Certains seront absents, mais grandement présents par la pensée sous le ciel de la Folie :


"De tout coeur avec vous, depuis Berlin ça fait un peu loin pour venir, mais la pensée va plus vite que les Caterpillar… Bravo, courage et joie vont de pair". Antoine Hennion, sociologue.

"Courage pour une "levée de bouclier joyeuse face au grand spectacle de la destruction". Inspiré". Anatolie Vlassov, réalisateur.

"Je ne peux me rendre à Grigny, mais je tiens à exprimer mon soutien total à votre fête et souligner à quel point médiocre, stupide et honteuse est la réponse qui semble-t-il se prépare avec la destruction programmée du site". Jean-Christophe Bailly, écrivain.

"Je soutiens totalement la "Folie" qui a la raison du coeur et du droit universel à exister et être reconnu". Ange Guibert, artiste-marin.

"Chers amis, de loin, hélas, mais de tout coeur avec vous pour que cette fête du courage et de l'imagination fasse reculer la bêtise et le cynisme". Etienne Balibar, philosophe.

"L'action du PEROU sur le bidonville de la Folie est l'élan le plus censé qu'il m'ait été donné de soutenir depuis longtemps. Procéder à sa destruction serait la plus grande hérésie qu'il me serait donné de commenter depuis longtemps. Et pourtant. Laissez vivre la Folie : ça ne demande qu'un sursaut". Cathy Blisson, journaliste et dramaturge.

"Présente !". Shelly De Vito, metteur en scène et co-directeur de Paillard.

"Avec mon vif soutien, mon éloignement étant purement géographique". François Deck, artiste.

"Je n'ai pas l'art de la parole, mais je veux vous dire simplement que je suis solidaire moralement de votre travail. Et je ne comprends pas que nos administrations gaspillent de l'argent en destructions, expulsions, re-destructions, re-expulsions, à quoi joue-t-on ? Où est le respect de l'autre, la protection des enfants, le sens de l'accueil y compris de celui qui est différent ? Ma France, que deviens-tu ? Je souhaite à tous les habitants de la Folie et à vous tous une belle fête demain. Nous penserons à vous. PS : Je considère que nous sommes tous étrangers et voyageurs sur la Terre". Nadine Crouzet, ardéchoise.

"On continue !". Nathalie Quintane, écrivain, enseignante.

"J'aimerai pouvoir me joindre à vous, et vous soutiens grandement". Solenn Barbosa, danseuse.

"Je suis toujours admiratif de votre persévérance pour combattre le pire. Vous avez le soutien de toute notre famille. Nous souhaitons que votre action provoque le déclic de lucidité dont nous avons tous besoin". Famille Bernard - Lameille.

"Je viendrai demain !". Geneviève Fraisse, philosophe, CNRS

"Militante associative, je soutiens le projet de festival au campement de La Folie. Je considère que le travail initié sur ce lieu doit être mené à son terme avec de vraies solutions de relogement et de travail pour les personnes qui y vivent". Françoise Rotillon, retraitée de l'Education Nationale.

"Je ne serai pas parmi vous, mais je le regrette bien !". Martine Devries, présidente de la Plateforme de Service aux Migrants.

"Bravo ! Avec tout mon soutien et mes encouragements !". Jean-Paul Thibeau, artiste, Marseille

"La Folie a raison contre la déraison d'Etat, c'est vrai et c'est très beau. Bravo à vous qui résistez". Sonia Fayman, sociologue.

"Mon soutien indéfectible aux démarches du PEROU". Dominique Boivin, chorégraphe.



Mais encore : Jean-Louis Comolli, réalisateur ; André Houllier, arriste peintre ; Emmanuelle Vo-Dinh, chorégraphe, Le Havre ; Barbara Manzetti, chorégraphe, Paris ; Jean-Marc Savic, performer et travailleur social, Nantes ; Thierry Paquot, philosophe ; Mathieu Miannay, photographe, Evry ; Séverine Roussel, architecte, Saint-Ouen ; Maud Cabon, enseignante, Paris ; Nina Le Roux, Chargée de communication, Saulx les Chartreux ; Philippe Zourgane, architecte, Saint-Ouen ; Anne Debarre, architecte, Paris ; Jeanne Studer, Ecodrom, Montreuil ; Jean-Michel Frodon, critique de cinéma, Ivry ; Lugdivine Champart, professeur des écoles, Rocamadour ; Cristina Rossi, enseignante chercheuse, Montreuil ; Timothy Perkins, artiste enseignant, Aubervilliers ; Stéphane Bérard, artiste, Paris ; Chloé Maillet, artiste, Paris ; Natalie Boccadoro, Chargée de mission, Nanterre ; François Guichard, chercheur, Paris ; Florise Pagès, conseillère artistique, Paris ; Stéphanie Pryen, maître de conférence, Lille ; Sophie Leleu, mezzo-soprano, Paris ; Julie Zarka, économiste, Paris ; Emmanuelle Huynh, chorégraphe, Tours ; Florence Desurmont, Poncé-sur-le-Loir ; Manon Gignoux, artiste plasticienne, Paris, etc.