lundi 17 mars 2014

Lettre au Maire de Grigny


Ci-dessous, la lettre envoyée au Maire de Grigny par le PEROU le 17 mars 2014.








A l’attention de Monsieur Philippe Rio
Maire de Grigny
Hôtel de Ville BP 13
91351 Grigny Cedex



Paris, le 17 mars



Monsieur le Maire, 



Lorsqu’à Ris-Orangis, en décembre 2012, nous inaugurions l’Ambassade du PEROU, nous apparaissions aux yeux de certains comme pilotés par la machine communiste : sur un terrain du Conseil Général présidé par un socialiste, sur la commune de Ris-Orangis dirigée par un socialiste, à quelques encablures d’Evry dirigée par le successeur du Ministre de l’Intérieur socialiste, il ne semblait pas faire de doute que notre action visait une certaine organisation politique et ses membres effectivement aux affaires locales. En janvier 2013, un mémorable tract signé par la section locale du Parti Socialiste en attestait, informant les citoyens Rissois, avec la bénédiction de leur Maire, du fond de l’affaire du «bidonville de la Nationale 7». Titré «Ils sont devenus fous !», ce fascicule livrait les noms des quelques militants communistes qui, sur le terrain, accompagnaient effectivement l’action du PEROU, et concluait à l’instrumentalisation politique d’une situation au sujet de laquelle, évidemment, une ligne de considérations indignées était réservée.

Lorsqu’à Grigny, à l’été 2013, nous inaugurions notre travail d’accompagnement des familles expulsées du «bidonville de la Nationale 7» quelques mois plus tôt, nous apparaissions aux yeux de certains comme  pilotés par la machine socialiste. Les militants communistes susévoqués avaient en effet pris grand soin de vous alerter, vous et l’ensemble des élus locaux membres du Parti Communiste ou du Parti de Gauche, qu’il convenait de se méfier au plus haut point du PEROU et de ses soutiens. C’est qu’entre temps nous avions traité avec l’Etat, socialiste, le Conseil Général, socialiste, et la Mairie, socialiste, afin de suivre à Ris-Orangis les familles régularisées grâce à l’action que nous avions menée. C’est qu’entre temps nous avions signé une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la mise en oeuvre du projet d’insertion accueillant ces 38 personnes et, selon ces politistes avisés, avions ainsi démontré notre soumission à la manigance socialiste. Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre que les échéances électorales qui scintillaient à l’horizon commandaient que telle propagande s’organise. Nul besoin d’être grand clerc non plus pour prévoir dès lors que l’échéance s’approchant, le climat politique autour du bidonville de la Folie n’allait manquer de s’aggraver. Effectivement, alors que nous vous proposions, avec nos partenaires tels que la Fondation Abbé Pierre, d’entamer le plus en amont possible un travail visant la résorption de ce bidonville en imaginant d’autres formes d’habitat pour les familles ici établies, vous refusiez de plus en plus fermement de nous recevoir, de dialoguer, de comprendre. En janvier 2014, le résultat était édifiant : les familles demeuraient alors logées à même enseigne que six mois plus tôt, sous la menace d’une énième expulsion exigée par vos soins, sans la moindre perspective d’enfin vivre ailleurs que dans un bidonville. Convenez qu’il s’agit là d’un bilan politique parfaitement nul, bilan qui nous a conduits à prendre la décision d’oeuvrer de manière plus résolue sur le terrain, afin qu’un autre avenir se dessine pour ces familles. 

Monsieur le Maire, les intrigues politiques locales et les fables plus ou moins paranoïaques qui en émergent pourraient s’avérer délicieusement distrayantes si elles n’avaient pas la fâcheuse conséquence, en l’occurrence, de faire peser sur des familles entières la menace d’une vie toujours un peu plus insupportable. Certes, nous pourrions saluer le remarquable travail de sape et de manipulation de ces militants auxquels jusque là vous avez accordé votre crédit, mais c’est une qualité qui en rien ne sert les intérêts des familles qui seuls nous importent. Car nous sommes effectivement pilotés, non par une quelconque machine ou machinerie, ni même par une organisation partisane, mais par le puissant désir de ces familles de vivre parmi nous. Car nous nous sentons effectivement commandés, non par quelque intérêt machiavélique, mais par la nécessité de faire aujourd’hui en France des prouesses d’hospitalité. C’est dans la perspective d’un tel chantier que, depuis bientôt un an, nous proposons à la commune de Grigny d’apporter notre concours. En vain, puisque vous demeurez sensibles aux alertes savamment distillées par ces quelques-uns qui, en pilote automatique, ne considèrent à l’horizon que leur petite carrière politique. Certes, rien de bien extraordinaire par les temps de misère politique qui sont les nôtres. Mais à la faveur d’une situation extraordinaire, à savoir la présence d’un bidonville sur le territoire européen aujourd’hui, et sur celui de Grigny en l’occurrence, nous sommes encore en droit d’attendre que les acteurs politiques locaux fassent, chose extraordinaire, de la politique. C’est à dire qu’ils imaginent, innovent, expérimentent. 

Avec les membres du PEROU et nombre de riverains solidaires, avec le soutien technique et financier de la Fondation Abbé Pierre, nous nous sommes donc efforcés de tracer le chemin d’une telle perspective depuis quelques semaines. Comme vous le savez, et continuez manifestement de le déplorer, nous avons nettoyé le bidonville, déposé des tonnes de BRF pour en évacuer la boue, creusé un drain de 200 mètres de long, développé une passerelle sur celui-ci, réparé une dizaine de baraques qui menaçaient de s’écrouler, fixé des plaques d’aération sur chacune de ces baraques pour répondre aux risques d’intoxication que connaissent les personnes, installé une vingtaine d’extincteurs afin d’éviter le pire tel que nous l’avons connu à Bobigny le 12 février dernier ou à Montgeron, sur la route de Corbeil-Essonnes, pas plus tard que ce matin. Depuis des semaines, nous avons répondu à l’urgence d’une situation que nombre d’élus de France et de Navarre, puisque c’est devenu un sport national, laissent patiemment s’aggraver pour s’assurer de la nécessité de son évacuation. Au delà de cette transformation de l’espace par l’acte constructif, comme l’impose la culture du PEROU, nous nous sommes efforcés de construire un autre temps pour ces familles. Ainsi avons-nous inscrit les enfants à la médiathèque de Grigny, accompagné les adolescents à la mission locale où certains d’entre eux ont entrepris des cours de français, accompagné les adultes à Pôle Emploi ou à l’Antenne emploi de la ville où ils sont domiciliés après leur avoir confectionné des CV. Ainsi avons-nous sollicité les familles afin que chacune nous adresse une lettre détaillant leur désir et leur volonté de construire, avec la collectivité, une vie meilleure. Ainsi avons-nous reçu plus de quarante courriers, à savoir une missive par foyer, contenant de cruciales informations. Les lisant, nous constatons donc que : nombre d’entre les personnes qui vivent aujourd’hui sur votre territoire n’ont toujours pas obtenu de domiciliation, contrairement à ce qu’impose la loi, et le déplorent infiniment tant ceci fait obstacle à leur recherche d’emploi et leurs besoins en soins ; nombre d’entre ces personnes souhaitent se cotiser pour, mensuellement, faire un don au CCAS en échange de l’installation nécessaire, et légalement obligatoire, d’un point d’eau à proximité du bidonville ; nombre d’entre elles encore désirent voir leur famille devenir européenne de plein droit, et vivre à Grigny, dans l’Essonne, en France, le plus paisiblement possible. Ces lettres, Monsieur le Maire, sont autant de preuves d’une intégration déjà engagée, n’en déplaise à celles et ceux estimant que les vocations d’étrangers peuvent être contraires à une existence au sein de la société que nous formons. Ces lettres sont adressées aux pouvoirs publics, et nous vous les ferons donc parvenir une fois que nous les aurons traduites. 

Forts de ces lettres écrites avec l’espoir qu’enfin l’avenir s’éclaircisse, nous avons continué de rencontrer tous les acteurs publics susceptibles de porter la mise en oeuvre d’une effective régularisation des familles sur le territoire. Avec le Conseil Général, nous oeuvrons à Ris-Orangis à faire la démonstration qu’un projet nécessaire peut s’avérer d’une qualité manifeste, et nous évoquons régulièrement avec les services compétents la multiplication de telles expérimentations. Avec la Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement, et avec le sous-préfet d’Ile-de-France en charge de la mise en oeuvre de projets d’insertion, nous nous sommes entretenus dans la perspective que soient accueillies les familles du bidonville de la Folie comme d’autres dans des projets tels que celui de Ris-Orangis. Vous le savez, vous n’avez qu’à prendre contact avec ces acteurs précis afin que la situation évolue positivement, et qu’un projet se mette enfin en oeuvre. Vous ne le savez manifestement toujours pas, mais vous n’avez qu’à nous solliciter pour que de la manière la plus déterminée qui soit nous oeuvrions à vos côtés afin de faire se réaliser un tel projet. Nous ne sommes pas du genre à désespérer, et notre optimisme est davantage encore de rigueur puisque depuis quelques semaines, nous avons eu écho de certaines de vos prises de positions publiques par le biais desquelles vous avez annoncé ne pas souhaiter mettre à exécution l’expulsion des familles avant la fin de l’année scolaire, et envisager la mise en place d’un projet d’insertion pour les familles habitant le terrain de la Folie. C’est pourquoi, par la présente, nous réitérons notre souhait de vous rencontrer afin de contribuer, autant que nous le pourrons, à la politique qu’à travers ces paroles vous annoncez vouloir poursuivre, nous inscrivant ainsi dans la logique d’anticipation propre à la circulaire interministérielle du 26 août 2012.

Nous n’avons qu’une seule arrière pensée, au delà de l’intérêt des familles que nous suivons désormais depuis plus d’un an : faire la démonstration à Ris-Orangis comme à Grigny qu’une autre politique est possible afin qu’ailleurs, partout où la déroute est aujourd’hui de mise, une autre perspective se dessine pour celles et ceux jusque là assignés à résidence des bidonvilles. Vous l’aurez compris nous l’espérons, nous souhaitons faire ici et maintenant école, et contribuer à ce que l’Essonne s’avère un laboratoire sur le sujet en collaboration notamment avec toutes les collectivités déterminées à oeuvrer dans ce sens. Et nous ne doutons pas que l’élu que vous êtes finisse par nous rencontrer sur ce chemin là. 

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de bien vouloir accepter, Monsieur le Maire, l’expression de nos sentiments les plus républicains. 



Sébastien Thiéry, pour l’association PEROU 



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