mercredi 2 octobre 2013

Le temps


Un mois durant, ce blog est demeuré silencieux, comme en retrait : non pas l'absence, mais l'observation des mouvements, leur consigne clinique, silencieuse et appliquée.

Un mois, le temps du passage de l'été à l'automne et, ce faisant, la boucle d'une année réalisée : à l'automne 2012, nous découvrions le bidonville de Ris-Orangis, le harcèlement policier, l'errance répétée, la déroute politique, mais aussi les visages et le désir naissant de construire une autre histoire. Les pieds dans cette mêlasse, nous avons cheminé, frayé, par des actes obstinés, des chemins plus ou moins heureux. Les dizaines de billets de ce blog valent consignes de ce cheminement, mais un document rétrospectif et en images vaut peut-être mieux. Il est à télécharger sur le site du PEROU, ici.
Ainsi pouvons nous notamment comprendre que la France est, en 2013, un pays prétendument en paix dont une dimension de sa politique intérieure consiste à détruire systématiquement des lieux de vie. Ainsi pouvons-nous comprendre que la France est, en 2013, un pays en guerre.
C'est notamment ce dont nous débattrons samedi 5 octobre, aux Salaisons à Romainville (voir ici) où à partir de 19h, nous projetterons les films que nous avons réalisés chemin faisant.
Pour raviver la mémoire, d'autres images étaient cet été diffusées sur Médiapart qui ouvrait l'espace d'un portfolio consacré à La Place Ris-Orangis, portfolio visible ici.





Place de l'Ambassade, Ris-Orangis, 12 septembre 2013
Ici habitaient 150 personnes il y a un an


Un mois, le temps d'atermoiements, d'un blocage, d'un enlisement enfin. Il en va ainsi du projet d'établissement temporaire des 38 personnes régularisées : le 3 avril, pendant que les pelleteuses s'acharnaient, on jurait grand Dieu à ces personnes que dans deux semaines, trois semaines tout au plus, elles seraient installées dans un lieu de vie à Ris-Orangis. Exactement 6 mois plus tard, le lieu est désert : les aménagements techniques sont réalisés, les meubles installés par la communauté d'Emmaüs de Longjumeau, les lits presque faits. Mais le projet est aujourd'hui dans le plus épais des brouillards. Il y a de cela 10 jours, nous adressions une lettre au Président du Conseil Général, en copie au Délégué interministériel, au Préfet de l'Essonne, et au Maire de Ris-Orangis. Mis à part le soutien indéfectible que nous a réaffirmé le Délégué interministériel dès réception de ce courrier, nous n'avons reçu aucune réponse des autorités locales. Pendant ce temps, les familles désespèrent. Pendant ce temps, le contribuable se ruine pour maintenir ces familles dans les structures d'hébergement du département comme pour payer un gardiennage à temps plein pour éviter que quiconque s'installe... Pendant ce temps, nous consignons donc la défaillance. Copie de cette lettre, avec les documents joints, est reproduite ci-dessous.














Un mois durant, la Mairie de Grigny a pour sa part rongé son frein : audience était fixée au 27 août pour le procès que cette Mairie a engagé contre les familles occupant le terrain de la Folie, et nous avons obtenu son report. Nouvelle audience devrait être programmée dans les semaines à venir. Un mois, pour notre part, à consolider la défense, réunir nombre de pièces pour raconter la même défaillance ici qu'ailleurs, et tout ce qui devrait être exploré qui ne l'est pas, et la répétition du même qui menace, absurde, insensé, bientôt parfaitement inqualifiable.
Un mois parallèlement à consigner les actes sur le terrain : le ramassage des ordures par la municipalité un brin plus hésitant, comme si l'on se disait dans les couloirs municipaux que l'encroutement du terrain pourrait permettre si besoin était de plaider le péril, et d'augmenter ainsi les chances d'expulsion ; les discours des quelques émissaires de la Mairie qui, sur le terrain, racontent tranquillement que c'est non pas la Mairie qui expulse, mais l'Etat, et sa police, et son irresponsabilité, et sa xénophobie. Une pincée de lâcheté pour donner à l'ensemble des opérations son goût rance : le parfum de notre misère politique.




Le 3 septembre 2013, en lisière du terrain de la Folie
Comme une invitation faite aux rats


Un mois pendant lequel les CV ont fait leur petit bonhomme de chemin. Beaucoup de presse, comme Rue 89 ici, l'Express ici, le Point ici, et des télévisions : Direct 8, Canal +, France 3. Et quelques employeurs qui se manifestent : aujourd'hui, deux entretiens d'embauche sont programmés. Etonnant de voir combien des personnes jugées non-insérables par une enquête sociale il y a quelques semaines, et décrétées toujours aussi non-insérables par un Ministre de l'Intérieur délirant, peuvent tracer leur route parmi nous, à la condition que nous en ayons la ferme intention. Le projet doit prendre son envol, des propositions d'embauche se trouver, et c'est donc l'occasion de rappeler que les offres d'emploi sont absolument les bienvenues.

Le 3 septembre 2013. Photo : Aude Tincelin

Un mois à poursuivre les recherches, penser des textes, des images, des récits et des rencontres, pour transmettre ce que nous avons appris, ce que nous apprenons, et apprendre de ceux qui agissent ici et ailleurs avec la même intention : respirer, créer l'espace politique qui nous manque. Pour ce faire, respirer, boire et manger, inviter et inventer, nous reprenons les Apérou qui se tiennent désormais un jeudi sur deux aux Caves Dupetit Thouars, 12 rue du même nom, au métro République. Une soirée pour faire l'état des lieux des actions en cours comme à venir, en compagnie d'invités nous aiguillant de leur regard, de leur expérience. Demain, jeudi 3 octobre à 19h, nous accueillons Echelle Inconnue, collectif protéiforme qui travaille avec nous à Paris, en collaboration avec les Enfants du Canal (voir la définition du projet ici), et avec lequel nous évoquerons ses expériences passées dans le bidonville du Havre détruit il y a quelques semaines, et dans celui de la Soie à Villeurbanne, il y a quelques années déjà. De cette dernière expérience, un film est né, que l'on visionnera ensemble : "Une ville détruite par des hommes en uniforme".
Durant la soirée, Francesco Careri, cofondateur du collectif italien Stalker nous rejoindra. Comme un parrain du PEROU, et de bien d'autres collectifs européens aujourd'hui, Stalker nous a montrés la voie des chemins de traverse, des "territoires actuels", des actes souverains et des villes à faire émerger de ceux-ci. Pour mémoire, lire leur manifeste ici, manifeste écrit en 1996 et bien entendu d'une actualité toujours vive.
Avec ces camarades là, peut-être évoquerons-nous les temps qui ne peuvent pas ne pas changer, les mots de Manuel Valls, étranger à notre temps, la tribune que nous avons publiée sur Médiapart en réponse à ces mots délirants et sans avenir (à lire ici). Et peut-être évoquerons-nous l'avenir précisément, les actes qui ne peuvent manquer de se faire.  Pour laisser le moins de place possible à ce qui se défait. Pour ne pas laisser de place à la défaite.

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