mardi 8 janvier 2013

Quelle est au juste la réalité de cette histoire ?


Il y a ce qui nous semble relever du retour à la réalité : ce que nos yeux et nos mains ont touché de nouveau, ont travaillé et rencontré dans l'étendue de cette journée passée à Ris-Orangis. En porter témoignage consiste à narrer une succession de faits et de gestes.

Aujourd'hui, avec Merril, Célia, Charlotte, Margot, Edith, Louis et Romain, nous avons repris pied avec le bidonville, quelques outils à la main. Aujourd'hui, nous avons poursuivi la construction des toilettes sèches en nous fixant la mise en place de cinq nouveaux petits édifices dans la semaine, en les destinant d'abord aux familles avec enfants. Aujourd'hui, nous avons reçu la visite de Manu, des Enfants du Canal, avec lequel nous avons mis en forme le projet d'action sociale pour les personnes habitant le bidonville que nous devons soumettre aux acteurs publics dans les tous prochains jours, projet comprenant accès aux soins, insertion professionnelle et accès au logement. Aujourd'hui, nous avons rencontré dans l'Ambassade les compagnons d'Emmaüs de Longjumeau, formidable équipée se proposant de prêter main forte pour nos différents chantiers et de fournir l'Ambassade en mobilier. Aujourd'hui, nous avons rencontré un bénévole d'une association locale qui, dans une baraque, a trouvé refuge pour quelques jours, chassé de chez lui par son épouse, récit de vie pathétique ou merveilleux, selon le bout à partir duquel on l'aborde. Aujourd'hui, nous avons joué avec les gosses qui ne jouaient pas dans la cour d'une école puisque le Maire de la Ville, malgré trois dépôts d'inscriptions ces trois derniers mois, n'a toujours pas accepté ce que la loi ordonne. Aujourd'hui, les habitants du bidonville ont fait parvenir trois courriers : à la Mairie, pour l'informer qu'ils ne peuvent accepter que les enfants soient privés de cette nouvelle rentrée des classes ; au Président de la Communauté d'Agglomération d'Evry Centre Essonne, pour exiger que leurs ordures ménagères soient enfin ramassées et décharger ainsi de cette corvée les riverains ; au Président du Conseil Général de l'Essonne pour lui faire part de leur reconnaissance de ne pas avoir engagé de procédure contre leur présence sur le terrain dont le Département est propriétaire, et pour lui demander de bien vouloir soutenir leur démarche auprès de la Communauté d'Agglomération. Demain matin, les parents se rendront à la Mairie accompagnés des riverains afin de prendre connaissance de la classe à laquelle sont affectés leurs enfants.


Rebecca, au travail, 8 janvier 2012

Trois futurs écoliers, 8 janvier 2012


Il y a ce qui décroche de cette réalité là, ce qui plane au dessus, ce qui semble si éloigné de ce que nous touchons, et pourtant le détermine si profondément. Cette autre réalité est ce qu'on appelle la politique. Cette réalité est pétrie de tractations, de manoeuvres, de gestes de cuisine. Elle est commandée par le simple exercice du pouvoir et ses contrariétés, ses négociations, ses petites ou grandes compromissions. Elle est traversée des relations d'influence, des calculs savants (sic) permettant de mesurer que si j'accepte ce que celui-ci me suggère et refuse ce que cet autre me demande, je gagne davantage que je perds.
Porter témoignage de cette réalité consiste à raconter ce que l'on voit, comprend, imagine, au détriment de ce qui ne se voit pas, reste incompréhensible, demeure inimaginable. Prétendre à la transparence comme ils disent, c'est faire grand cas de ce qu'on nous laisse voir et entendre. Prétendre à la non-duperie comme on y prétend si volontiers, c'est se bercer de l'illusion que tout est contrôlé, organisé, manigancé comme toujours. Nous ne savons pas de quoi est faite cette réalité là et, fragmentée, cette réalité s'avère inaccessible à n'importe lequel des acteurs de cette pièce parfois fort douteuse. Mais une part non mesurable se joue là, dans l'épaisseur noire où se trouve au moins une des raisons qui a conduit le Maire de Ris-Orangis à finalement porter plainte, provoquant ainsi la mise en route d'une enquête judiciaire pour la bonne réussite de laquelle deux habitants du bidonville ont été interrogés hier. Mais une part non mesurable se joue là, derrière les murs des édifices de la République où se trouve au moins une des raisons qui a conduit le Maire de Ris-Orangis à ne pas répondre à mon courrier, tout en s'affichant "responsable" devant la presse qui n'en pense pas moins. Mais une part non mesurable se joue là, entre deux coups de fils de conseillers, entre deux emails de sous-conseillers, entre deux entrevues d'un élu et d'un ancien élu, où l'on échange sur l'opportunité, la justesse, la nécessité ou le devoir, en oubliant d'évoquer que c'est de la vie de 150 personnes dont il s'agit. Mais une part non mesurable se joue là, dans la petite ivresse que confèrent à quiconque en jouit tous les petits pouvoirs articulés ou désarticulés, petite ivresse qui résulte de la prise de congé de la réalité, de la première, de celle que nos mains et nos yeux ont aujourd'hui éprouvée.


Lettre des habitants de Ris-Orangis au Maire de Ris-Orangis
En date du 7 janvier 2012

Lettre des habitants de Ris-Orangis au Président de la Communauté de Communes
En date du 7 janvier 2012

Lettre des habitants de Ris-Orangis au Président du Conseil Général
En date du 7 janvier 2012

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