jeudi 24 janvier 2013

Tout reste à inventer

Il n'y a aujourd'hui peut-être pas beaucoup de question aussi vaste que celle que provoque, dans nos espaces sociaux et urbains, la paupérisation des populations européennes et ce que certains s'aventurent à nommer la "tiers-mondisation" de nos métropoles. Et pourtant à Ris-Orangis, depuis plus d'un mois, l'énergie de la quasi-totalité des acteurs est bouffée par la question de la scolarisation des enfants, question sans mystère qui aurait dû être réglée le jour même où elle s'est posée. Ainsi fonctionnons-nous, radicalement à l'envers, à rebours de toute espèce de bon sens. Ainsi gonfle l'affaire de Ris-Orangis, causée par des décisions navrantes, attisée par manifestations et tracts endiablés, relayée par une presse excitée, de l'Express (ici), à Essonne Info (ici), en passant par France Info (ici).

L'intrigue enfle donc, et l'on évoque ici ou là les jurisprudences de la Cour de Strasbourg relatives à la condamnation récente de pays comme la Croatie ou la République Tchèque pour cause de création de "classes spéciales" pour enfants Roms. Il serait invraisemblable qu'on en parvienne là, et que l'admission à l'école voisine ne se fasse pas dans les tous prochains jours (Qu'il est fatiguant de ne voir sous la plume d'aucun journaliste mention faite à l'école du secteur du bidonville, l'Ecole Maurice Guerton, située à 250 mètres des baraques, et où sont disponibles 9 places en classe adaptée pour les non francophones).
Il serait invraisemblable que nous ne nous saisissions pas collectivement de la seule véritable question qui aujourd'hui se pose à nous : comment construire un autre avenir avec ces familles, sortir du bidonville par le haut, et faire ainsi école ? Comme le préconise, de nouveau, le Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté lors du Comité interministériel de lutte contre les exclusions et publié le 21 janvier dernier par le Premier Ministre, document à lire ici et qui, sur la question scolaire par exemple rappelle tant d'évidences dans un chapitre titré "Accès à l'école pour les enfants issus de campements ou bidonvilles" :

"Il s'agit de rappeler les obligations en matière de scolarisation applicables aux enfants issus de campements ou de bidonvilles, en particulier : 
- L'obligation faite aux familles dans le cadre de l'autorité parentale de procéder à l'inscription scolaire et de veiller à la fréquentation assidue de la classe.
- L'obligation pour le maire d'inscrire tous les enfants de la commune (article L 131-6 du code de l'éducation).
- Le rôle du maire pour interpeller le directeur des services académiques de l'éducation nationale, afin qu'il prenne immédiatement les dispositions nécessaires en cas de manque de place. 
- La circulaire n° 2002-063 du 20 mars 2002 relative à la scolarisation des enfants étrangers dispose qu'"aucune distinction ne peut être faite entre élèves de nationalité française et de nationalité étrangère pour l'accès au service public de l'éducation". 
Il convient par ailleurs de noter que trois circulaires sur la scolarisation effective des enfants allophones arrivants, des enfants issus de familles itinérantes et de familles sédentarisées depuis peu, ont été adressées aux recteurs d'académie dès le 12 septembre, avant d'être publiées au Bulletin officiel du 11 octobre 2012"


Une once de clarté manque-t-elle ? 
Aujourd'hui, une délégation de différentes organisations dont le Collectif des Rissois Solidaires, l'ASEFRR et la Ligue des Droits de l'Homme a été reçue en Préfecture pour s'assurer que l'Etat suivait effectivement les préconisations publiées par l'Etat.

En attendant donc que cette question sans contenu se dissipe enfin, nous poursuivons sur le terrain ce qui ne peut manquer de se poursuivre, tant la tâche est, elle, redoutable. Alors que le chantier de construction des toilettes sèches s'est poursuivi, une quinzaine de femmes se sont présentées dans l'Ambassade devant Sophie Triniac qui leur a donné rendez-vous une fois par semaine pour leur offrir des cours de français. Nous nous sommes réunis hier aux Caves Dupetit Thouars à Paris pour notamment décider d'achever le travail entrepris sur les déchets et leur évacuation, et nous organiser rapidement pour ce faire. Et les programmes de recherche et d'expérimentation s'inventent aujourd'hui même, dans le cours de l'action, avec d'innombrables amis qui font toute l'exceptionnalité de cette aventure. Qui ne peut pas ne pas l'être, tant tout reste à inventer.

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