"L'ambassade du PEROU à Ris-Orangis est un repère - un espace visible - et un observatoire - un lieu qui regarde -. Décrire ce qui a lieu dans un bidonville situé sur le territoire européen, telle est l'ambition de ce blog. Exactement, il s'agit de décrire l'humanité qui a lieu, l'humanité qui fait lieu" (décembre 2012). Le 3 avril 2013, tout a été détruit, sauf l'essentiel. A Grigny, où vivent aujourd'hui les familles, nous continuons d'oeuvrer pour que l'on construise enfin.
mercredi 6 mars 2013
Avec Miléna Kartowski et Eva Salina Primack, face à l'inimaginable
Hier mardi 5 mars, à 6h passées de quelques minutes, une déferlante : une dizaine de paires de godillots frappent le sol, moitié moins de poignes molestent les baraques à l'envi, des voix viriles à souhait hurlent "contrôle !". On imagine les gosses, la poitrine serrée par ce réveil tonitruant. On imagine les parents, la secousse, le tremblement. En fait, on n'imagine sans doute pas : c'est certainement inimaginable.
Le périple de cet escadron aussi dégueulasse qu'inutile, flanqué des insignes de la Police Nationale, se prolonge une demie-heure. Le temps de dénombrer, compter, décompter, puisqu'il est de coutume en ces affaires de raisonner en chiffres non en humanité. Le temps d'humilier autant que la situation le permet sans nul doute, la belle voix pleine d'assurance d'un côté, le silence prostré de l'autre. Le temps de forcer la porte de chez Marius et, symptôme de l'ivresse générale mon Général, celle de l'Ambassade. Le temps de jouer au foot, non sans verser dans le rire gras, avec les containers d'eau installés au fond du bidonville, containers en attente de ravitaillement, ce que nous promet la Croix Rouge, ce qu'exige la situation : ce même jour, la borne à incendie où les familles se ravitaillaient a été condamnée.
Aujourd'hui, une jeune femme habitant face à chez Marius a été attrapée par la même Police Nationale sur un quai de la Gare du Nord. Elle y fait quotidiennement la manche, aussi discrètement qu'elle le peut, mais aussi systématiquement qu'elle le doit : son mari, ferrailleur, n'a plus de véhicule pour travailler ; ses deux fils, l'un de 3 ans l'autre de 12 mois, ont faim. Elle nourrit le dernier au sein. Hélas pour le gamin, ce soir elle est retenue en garde à vue. Demain sans doute sera-t-elle renvoyée en Roumanie. Deux fois hélas. En moins de 48 heures, la Police Nationale lui aura appris l'enfer.
Demain jeudi 7 mars, parce que c'est notre arme, nous ferons la fête Place de l'Ambassade. Voisinant l'enfer, foulant le sol piétiné par les soldats d'hier, Miléna Kartowski et Eva Salina Primack entamerons leur tournée européenne ici-même. Devant le rabbin de Ris-Orangis et les compagnons d'Emmaüs réunis, devant nous tous, à portée de voix de cette mère humiliée, elles interpréteront à partir de 16h30 des chants de femmes traditionnels Yiddish et Roms. Deux voix qui se répondent, faisant face à l'inimaginable.
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C'est ignoble!
RépondreSupprimerTenez bon.