jeudi 7 février 2013

Le visage du peuple que nous formons d'être ensemble


On ment plus qu'il ne faut par manque de fantaisie : 
la vérité aussi s'invente.
Antonio Machado, Nuevas canciones XLVI - 1924





Suite à l'atelier proposé mercredi après-midi
aux enfants par la plasticienne
Joana Zimmermann


Une centaine de personnes craignant que les rats n'envahissent les rues de Ris-Orangis à cause de la prolifération de Roms sur le bidonville ont obtenu mardi soir l'oreille du Maire, et quelques médias tournant autour de l'affaire ont fait de cela un événement : le Maire, dit-on, a remercié cette courageuse prise de position d'administrés légitimement exaspérés. "On les a enfin trouvés", semble-t-on nous affirmer, ces membres du bon peuple, sincères car non encartés, dont la voix est pure car non "instrumentalisée". Ainsi agit le tract dit "anonyme", retentissant d'une pensée que, manifestement, nulle organisation n'organise. Voici enfin trouvée la parole vraie, presque émouvante, au milieu de ce fatras de professionnels de la politique qui s'insultent par habitude. Et c'est imparable, puisque sans doute incontestable : une centaine de personnes au moins, sur les 28 000 que compte la commune, espère qu'enfin ces hommes-rats débarrassent leur propre plancher. En face, les organisations militantes se révoltent, s'insurgent, s'étranglent. Puissamment organisées, elles ne parviennent néanmoins pas à faire aussi fort que cette poignée d'anonymes. Car la voix de ces organisations ne défraie pas la chronique. Attendue là, leur voix ne porte pas. Ce que l'on veut voir apparaître à Ris-Orangis, au coeur d'une affaire que personne ne sait aborder, c'est le peuple, le spontané, celui qui ne ment pas, celui qui par définition s'avère pétri de bon sens. Quitte à ce que le pire sorte de cette bouche là.

L'action du PEROU n'a peut-être qu'un seul horizon : élaborer des outils afin qu'une bonne partie des 27 900 Rissois silencieux se saisisse enfin de ce qui a lieu, affranchie de la parole massue des partis comme de la parole assassine des misérables sectes. Un Collectif de Rissois Solidaire est né dans l'élan, sur le chantier de l'Ambassade. Il s'est organisé, se réunit tous les lundis à 18h30 dans l'Ambassade, invente un nouveau quotidien, apporte bientôt de l'eau ici-même et ramasse depuis deux mois les ordures ménagères des familles. Ce collectif doit s'étoffer de mille autres citoyens lassés de voir se répéter une non-politique clouant les familles au quotidien misérable qui est généralement le leur. Place de l'Ambassade, les Rissois viendront prendre part à ce qui s'avère effectivement une ville : un lieu d'échange, de solidarité, de construction commune. Ainsi verront-ils les masques tomber de ces Roms qui n'en sont jamais vraiment, et découvriront-ils sous le toit de l'Ambassade, ou sur le sol de la petite place que nous construirons ce week-end, le visage du peuple que nous formons d'être ensemble. Alors, la question pourra-t-elle se reposer autrement : quelle Europe construire, dans la situation économique et sociale qui est la nôtre et qui conduit nombre de nos voisins à vivre dans des bidonvilles, sous des tentes, dans des voitures ou sur le trottoir ? Alors, la question gagnera-t-elle en ampleur, en ambition. Alors, la question que posait mardi cette centaine de personnes réunies dans la Mairie se retrouvera-t-elle frappée de ridicule. Car ces enfants ne sont des rats qu'aux yeux de ceux qui ont la paresse des les ouvrir. Le visage de ces gosses, réinventé par de nouveaux regards se posant sur eux, prendra les traits de nos voisins. Trompé par l'évidence, la centaine d'anonymes se taira alors que parole sera rendue au peuple véritable, celui que nous devenons dans l'acte de construire ensemble.


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