vendredi 12 avril 2013

Erreur


"Par ordonnance de ce jour, le Tribunal administratif de Versailles vient de rejeter les 9 recours en référé liberté tendant à enjoindre le Préfet de l’Essonne de reloger 8 familles et un homme issus du campement illégal de Ris-Orangis évacué le 3 avril dernier. Ces familles avaient refusé les hébergements qui leur étaient proposés lors de l’évacuation du campement. Le Préfet rappelle que les personnes sans abri, quelle que soit leur origine, peuvent, chaque jour, avoir recours au numéro 115 pour obtenir un hébergement d’urgence. Il regrette les tentatives d’instrumentalisation de la Justice à des fins de propagande."


Dans ce communiqué de presse publié aujourd'hui vers 17h par la Préfecture, une malencontreuse erreur s'est glissée. Comme en atteste l'ordonnance ci-dessous reproduite, le juge du Tribunal administratif de Versailles n'a pas rejeté le recours. Exactement, il a suspendu son jugement, considérant qu'il n'y avait "pas lieu de statuer sur la requête". Telle position ne résulte pas de l'indécision, de la paresse ou de l'atermoiement du juge, mais d'un engagement formel pris par le préfet de l'Essonne, au cours de l'audience, "d'assurer, par l'intermédiaire de la plateforme 115, un hébergement d'urgence dès le soir de la présente audience, à chacun des membres de la famille des requérants, de procéder à leur suivi et de veiller à leur rapprochement au fur et à mesure des capacités d'accueil des structures disponibles" (considérant 7). En quelques sortes, le préfet a coupé l'herbe sous les pieds du juge, qui constate donc que tout va bien.

Rappelons en effet, comme il l'est souligné en page 1 de cette ordonnance, que par l'entremise de cette requête, les familles demandaient au Tribunal "d'enjoindre au préfet de l'Essonne de leur assurer un logement adapté à leur situation dans un délai de deux jours". Considérant l'engagement pris par le préfet de l'Essonne, le Tribunal administratif de Versailles a donc simplement enregistré le fait qu'il était nul besoin, pour l'heure, de l'enjoindre d'assurer quoi que ce soit : il s'engage lui-même à exécuter ce que demandent les familles. Ne s'opposant pas à la requête par sa démarche positive, le préfet concède que celle-ci est bien fondée, et ne fait qu'admettre une deuxième évidence : après avoir concédé, en soutenant la mise en place d'un parcours d'insertion pour 38 personnes, que les Roms n'ont pas "vocation à rester en Roumanie ou à y retourner", il concède aujourd'hui que les Roms, pas plus que les Polonais ou les Bretons d'ailleurs, n'ont vocation à vivre dehors.

Cet événement crée un précédant somme toute extraordinaire : quiconque, en France ou en Navarre, n'obtiendrait pas de solution d'hébergement adaptée par le simple usage du numéro d'urgence 115 a la garantie d'obtenir une réponse positive s'il s'aventure à saisir le juge. A partir d'aujourd'hui, plus personne n'est donc obligé de dormir dehors, à la condition de passer devant le juge administratif à la suite de chacun de ses appels infructueux. C'est une merveilleuse nouvelle pour les sans-abri de France et de Navarre, nouvelle sans doute inquiétante pour les cours d'audience qui dans les jours prochains risquent fort de se retrouver squattées. Car, qu'on se le dise, le Tribunal administratif est officiellement l'antichambre des solutions recherchées par celles et ceux qui vivent aujourd'hui dehors.











Nous poursuivons donc l'objectif que depuis le début nous nous sommes donnés : frayer un chemin à des réponses constructives là où, jusqu'à présent, ne font que se répéter des réponses destructives. Si la brèche est ouverte, le parcours demeure cependant encore long et difficile tant nous partons de loin. En l'occurrence, l'audience de ce jour confirme donc l'hébergement comme droit fondamental et opposable, comme en attestait déjà la décision du Tribunal administratif de Lyon du jeudi 4 avril dernier (voir ici). Néanmoins, l'hébergement doit s'avérer digne, salubre, et donc bien au dessus qualitativement de ce que l'on est condamné à vivre dans un bidonville par exemple. Les textes le garantissent, le bon sens ne peut que le confirmer. Charge à la réalité d'en donner la preuve incontestable. C'est ce à quoi nous nous efforçons de veiller en poursuivant notre enquête opiniâtre sur les lieux où, grâce aux services de l'Etat, se retrouvent et se retrouveront les familles, requérantes ou pas. Déjà, les résultats de cette enquête sont édifiants, comme en atteste ce reportage photographique rapporté par Julien Bétant le 9 avril du Med Hôtel, de Malakoff, où sont placées deux familles, dont une comptant deux enfants en bas âge.












Peu à peu seront produits les témoignages en textes et images que les camarades du PEROU, à travers l'Île de France, rapporteront des "solutions" proposées aux familles suite à la destruction de la Place de l'Ambassade. Bien des souvenirs demeurent évidemment de ce lieu de vie bâti ensemble, dans la joie et la détermination. Bien des images circulent encore - telles celles ci-dessous envoyées par la photographe Amélie Benoist - , et n'ont pas fini de circuler de ces espaces desquels il a fallu expulser les personnes pour leur propre bonheur, pour leur éviter les huit pages de péril qui les attendaient là. Si, par malheur, l'hébergement aujourd'hui reconnu droit fondamental s'avérait un peu plus dangereux, un peu plus insalubre, un peu plus indigne, un peu plus inhumain, que la Place de l'Ambassade, alors faudrait-il que l'on évacue les familles de ces hôtels où le Préfet s'est engagé de les accueillir. Rien ne semble plus évident que cela : la déraison domine, et tout est à réinventer.


Rodika, doyenne du bidonville

Ardelean à l'accordéon, doyen du bidonville. 


2 commentaires:

  1. il est très triste ce qui se passe avec les Roms
    Adrian Popa

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  2. Oui.

    Surtout ce qui s'est passé dans les quartiers nord de Marseille, c'est honteux.
    L'initiative Perou est formidable ; pourvu qu'elle se généralise à la France, où le rejet de cette population contrainte de fait au nomadisme a atteint un degré impressionnant, qui ne donne pas envie de vivre en ce pays.
    Bravo à ce que vous faites - j'en ai eu connaissance par le Nouvel Obs.

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