Madame, Monsieur,
Depuis plusieurs mois, des Roms occupent illégalement plusieurs terrains sur Ris-Orangis.
Dès les premiers instants, j'ai mobilisé le Préfet de l'Essonne et ses services ainsi que la Police Nationale afin que soient respectés l'ordre et la tranquillité publics.
Notre ville a toujours été solidaire mais face à de telles difficultés force est de constater que l'échelle communale n'est pas appropriée pour les traiter.
Garant de la cohésion sociale sur notre territoire rissois, je mets tout en oeuvre pour aboutir dans les plus brefs délais au démantèlement de ces campements insalubres et dangereux, dans le respect du droit dont celui des enfants.
J'entends vos préoccupations et votre colère. Il est de mon devoir d'y répondre avec efficacité.
Veuillez croire à ma totale détermination et à mon sincère dévouement.
Stéphane Raffali, Bien à vous.
Tel est le contenu d'une missive déposée ce samedi matin dans les boîtes aux lettres des 28 000 Rissois, opération de communication massive dont le coût pour le contribuable - compter environ 10 000 tracts imprimés en format A4 - est à peu près équivalent à deux fois le coût de la construction d'une vingtaine de toilettes sèches sur le terrain, ce à quoi nous continuons de nous employer.
Alors que depuis des mois maintenant nous mettons tout en oeuvre pour répondre de manière constructive à la situation de telle sorte à ce que collectivement nous en sortions enfin grandis, le Maire continue d'envisager le pire : l'expulsion, l'humiliation et la destruction, promises sous le pudique vocable de "démantèlement" qui, l'air de rien, raconte que résident ici non pas des familles, mais des criminels.
Alors que nous nous inscrivons précisément dans les ambitions de la circulaire du 26 août 2012 visant à préparer le départ et faire sortir les familles du bidonville par le haut, le Maire continue d'aborder la situation sous l'angle sécuritaire de "l'ordre et de la sécurité publics", et de mépriser ce faisant les préconisations comme l'esprit social des textes produits par les institutions de la République dont il se réclame.
Alors que nous mettons en place les conditions d'une action sociale d'envergure mobilisant tous les acteurs publics et des acteurs associatifs spécialisés, le Maire continue de laisser croire que l'humanité tout entière exige de la Ville de Ris-Orangis qu'elle invente, seule et contre tous, les solutions définitives à cette question, et se pose ainsi en humble gardien de la raison, ce qui est un comble tant ce texte déraisonne.
Alors qu'il n'y a pas, jamais eu, et n'y aura jamais, de problème Rom, Malien, Corse ou Basque, étant entendu que la carte d'identité culturelle ou ethnique des personnes n'entre pas en contradiction avec le programme de la République, le Maire continue de laisser entendre que la question est d'ordre ethnique, et non sociale, et signe là un texte que dans quelques dizaines d'années nos enfants lirons avec stupeur sans parvenir à comprendre comment, en 2013 encore, la France pouvait abriter dans son ventre la "bête immonde" qu'évoquait Bertolt Brecht.
Alors que des Rissois se mobilisent, s'organisent en Collectif de Rissois solidaires, rencontrent d'autres Rissois sur les marchés et se rendent compte avec joie que la population rissoise est dans son extrême majorité bienveillante à l'égard des populations les plus démunies dont il s'agit, le Maire continue de laisser entendre que le peuple Rissois, comme un seul homme, s'avère noir de colère. Il témoigne ainsi de sa surdité, et promet en résumé une action violente et aveugle qui ne manquera pas de mettre en péril la cohésion sociale dont il se prétend pourtant le garant. Ce tract raconte que la loi, jusqu'au vertige, perd du terrain.
La loi a d'un autre côté gagné du terrain sur la question de la scolarisation puisque, alors qu'il y a une semaine la Mairie s'opposait radicalement à toute espèce d'inscription faisant valoir un défaut de domicile, nous avons obtenu cette semaine de cette même Mairie l'information selon laquelle lundi 21 janvier, les enfants seraient scolarisés. L'information est d'ailleurs étonnamment relayée par le seul Figaro, dans son édition en date du 17 janvier à lire ici. (La lecture des commentaires est évidemment éprouvante, mais elle permet de prendre la mesure de la profondeur de la crise que nous connaissons...)
Certes, nous revenons de loin, mais ne sommes néanmoins pas encore parvenus à bon port. En effet, aujourd'hui samedi, les parents n'ont toujours pas obtenu des services scolaires de la Mairie l'adresse de l'école dans laquelle leurs enfants devraient être admis ni, a fortiori, les fournitures qu'il leur faudra avoir lundi matin dans leurs cartables d'écoliers. Nul besoin d'insister sur l'angoisse des parents, angoisse composée de celle, ordinaire, que chacun connaît la veille d'une rentrée de ses enfants, ajoutée à celle, extraordinaire, provoquée par l'absence de telles informations élémentaires à 48h de cet événement.
Mais il y a pire, puisque nous avons compris que la Mairie essayait de négocier avec l'Inspection d'Académie non pas la scolarisation des enfants, mais la mise à disposition d'une salle communale à distance des autres enfants Rissois pour réunir ces gamins, de classes d'âges parfaitement variées, devant un instituteur dépêché. Autrement dit, en totale contradiction avec les principes de l'Ecole de Jules Ferry, creuset de la République, et en parfaite adéquation avec les actes les plus discriminatoires que l'on puisse connaître, la Mairie a ces derniers jours poursuivi son combat contre la raison la plus républicaine. Alors que, répétons le, le droit est sans ambiguïté sur ces questions, ce que rappellera de nouveau le Défenseur des droits lundi à la Mairie si nous en arrivons effectivement là. Alors que, soulignons le en passant, ces enfants comme tous les autres enfants du coin relèvent d'un secteur scolaire qui, à 200 mètres du bidonville, comprend une école qui présente, outre des places disponibles, une enseignante CLIN (Classe d'Initiation) qui intervient deux fois par semaine pour les non-francophones. Alors que la situation est parfaitement complexe et difficile, voilà que depuis des semaines, une énergie et des moyens considérables sont investis par la Mairie dans cette lutte contre la scolarisation des gosses, lutte ajoutant de la complexité au dossier, ce qui n'est pas la définition la plus parfaite d'une politique responsable.
La loi gagne du terrain si nous occupons celui-ci. Telle est la philosophie PEROU. L'Ambassade attend donc désormais de chacun d'entre nous que l'on s'empare de son espace pour en faire le lieu d'élaboration d'une nouvelle histoire commune : espace d'articulation entre le bidonville et la ville, elle doit devenir le lieu de l'échange rappelant qu'une ville est fondamentalement cela, la rencontre de plusieurs personnes qui décident de faire de cette rencontre une institution, lui donnant un nom et des rituels l'organisant. L'espace de cette rencontre porte le nom de "Place de l'Ambassade", et son rituel est et restera élémentaire : donner et, en échange, recevoir.
Nous en appelons donc à la mobilisation de quiconque souhaiterait prendre ce terrain avec nous tous, pour lui donner sa puissance de véritable artère de la ville alentour. Ici, auront lieu des cours, des lectures, des projections de film, des spectacles, des moments de rencontre à la guise de chacun. Pour l'heure sont programmés :
- Tous les lundi et vendredi, une permanence du PEROU, pour vivre et travailler là, et pour rencontrer celles et ceux qui le souhaitent, le bidonville étant à 35 minutes de la Gare de Lyon, et à 5 minutes à pieds des deux gares de Grigny comme de Ris-Orangis.
- Le lundi de 14h30 à 16h30, des cours de Français pour les femmes proposés par Sophie Triniac, cours pour lesquels nous avons besoin de fournitures diverses et de dictionnaire franco-roumains.
- Le mardi de 14h30 à 16h30, des interventions proposés aux enfants comme aux adultes par l'association Intermèdes Robinson à partir des préceptes de la pédagogie sociale de Célestin Freinet.
- Le samedi de 14h30 à 16h30, des cours de Français et de dessin pour les enfants proposés par Emma Saunders, cours pour lesquels nous avons besoin de fournitures (papier, crayons, etc).
- Dans les semaines à venir, par séquences : un atelier de théâtre et de performance proposé par Didier Galas ; un atelier de création proposé par la plasticienne Joana Zimmermann ; un atelier sur l'image proposé par la photographe Aude Tincelin.
L'Ambassade est celle des étrangers que nous devons rester aux idées comme aux actes les plus barbares. Dans la langue que vous souhaitez, contactez nous pour prendre part au dessein et, par là même, au dessin de la ville que nous inventons ensemble, ici et maintenant : contact@perou-paris.org
les enfants seront scolarisés et le maire veut travailler à des solutions concrètes et non contraintes!... Donc plus de commentaires et billets assassins mais discrétion efficaces.
RépondreSupprimerLa loi est l'espace de contrainte dans lequel les solutions concrètes doivent être trouvées. Le Maire voudrait échapper à la contrainte de la loi, au simple motif qu'une Commune ne saurait relever seule un tel défi. A Ris-Orangis, nous poursuivons deux objectifs : 1. Rappeler fermement, en tant que citoyens de la République, que les principes fondamentaux, aussi contraignants soient-ils, doivent être respectés. 2. Accompagner la Mairie jusque devant chacun des acteurs concernés, et rassembler ainsi les responsabilités et compétences multiples afin de ne pas laisser une Commune seule face au défi de trouver une solution constructive et humaine. C'est ainsi que nous entendons être efficaces.
RépondreSupprimerpar contraintes je parle de sortir des chapelles de parti qui prennent cette cause comme un instrument politique m^me si la réponse doit être politique.
RépondreSupprimerEntre nous soit dit, je ne vois plus beaucoup de partis se distinguer sur cette question, et le débat partisan aurait-il lieu que nous nous en porterions tous peut-être un peu mieux. Quoi qu'il en soit, le PEROU a sa propre chapelle, donc nul besoin d'une autre pour explorer les possibles avec, en seule ligne de mire, les principes qui font que nous partageons (encore) un sol commun. Pour le reste, si l'on instrumentalise, je le déplore volontiers avec vous. Mais je reste pragmatique : si quelqu'un se saisit de l'affaire à d'autres fins, mais que ce faisant il contribue à faire se modifier les pratiques, à éviter que les mêmes erreurs soient répétées et les mêmes impasses reconduites, alors on peut tous s'en réjouir.
RépondreSupprimerQuand les hommes politiques accusent les autres de faire de la politique, c'est assez génial, en démocratie ! Quand ils dénient la réalité des actions effectivement menées sur ce site depuis plusieurs mois, leur restent ces arguments de fallaces pour des enjeux de pouvoir. Ce maire montre une pauvre petite commune submergée dans la mondialisation - vrai mythe - où dans le même temps le bulletin municipal affiche une opulence de travaux pour un stade d'ambition nationale, une salle de concert, un cinéma 3D, une piscine toute neuve, des constructions nouvelles sur des quartiers entiers, etc...
RépondreSupprimerTrouver l'erreur, le trou dans ce jeu de taquin : c'est l'argent, et les choix de sa redistribution ; ce n'est rien d'autre au bout du compte que des choix d'investissements psychiques, et lorsqu'on est un peu éclairer sur ce qui les motive...
Durant cela, la misère ronge les corps et les esprits refoulés dans les "alentours". A l'armée, il y a une corvée : "nettoyer les abords"...
La police adore ça : c'est son métier. Se tourner vers elle est réflexe, chez les normopathes.
Mais on voit ça déjà dans toutes les peintures de la "société" dès l'Antiquité. Voilà aujourd'hui le dernier "tableau clinique" d'une société "humaine", c'est-à-dire structurellement normopathique ; il est Rissois. Style bateau qui ne fera pas école en l'état.
C'est... pathétique.
Ne cédons pas à cette médiocrité.
J.P.J.