lundi 21 janvier 2013

Eveillé, le Sénat veille ! (résolution du 18 janvier)



Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « L'intégration sociale et économique des Roms en Europe » (COM (2010) 133 final),
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Cadre de l'UE pour les stratégies nationales d'intégration des Roms pour la période allant jusqu'à 2020 » (COM (2011) 173 final),
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Stratégies nationales d'intégration des Roms : un premier pas dans la mise en œuvre du cadre de l'UE » (COM (2012) 226 final),
Rappelle que la majorité des États membres de l'Union européenne comptent des populations roms sur leur sol ;
Est préoccupé par la profonde méconnaissance de ces populations, la vigueur de l'anti-tsiganisme et le haut degré de discriminations à l'encontre des Roms en Europe ;
Considère que l'intégration pleine et entière de ces populations revêt un caractère d'urgence ;
Rappelle que les droits de l'homme sont au cœur des valeurs défendues par le Conseil de l'Europe et l'Union européenne ;
Salue l'implication du Conseil de l'Europe depuis plusieurs décennies sur les questions relatives aux Roms ;
Note avec satisfaction les récentes initiatives de l'Union européenne destinées à encourager l'intégration sociale et économique des Roms dans les États membres ;
Estime que la solution au défi posé par les Roms nécessite prioritairement de mieux définir les responsabilités de chacun afin de renforcer l'efficacité des politiques actuelles, aujourd'hui trop dispersées ;
– Concernant le Conseil de l'Europe :
Considère que le Conseil de l'Europe, de par ses valeurs et l'étendue de son champ géographique de compétences, est le mieux placé pour prendre en charge et coordonner la lutte contre l'anti-tsiganisme en Europe ;
Souhaite que le programme ROMED de formation des médiateurs travaillant auprès des communautés roms voie sa visibilité renforcée ;
– Concernant l'Union européenne :
Rappelle que les questions relatives aux Roms revêtent une dimension transfrontalière du fait du principe de la libre circulation applicable aux personnes sur le territoire de l'Union européenne ;
Demande à l'Union européenne de renforcer son action en faveur des Roms en assumant pleinement un rôle d'impulsion et de coordination des politiques nationales dans ce domaine et en contrôlant que les actions conduites par les États membres à l'égard des Roms respectent le droit de l'Union, ce qui nécessite le développement d'une véritable capacité de suivi ;
Rappelle que les fonds européens, en particulier le Fonds social européen et le Fonds européen de développement régional, peuvent permettre de financer des mesures destinées à l'intégration des Roms et demande, par conséquent, à l'Union européenne d'en simplifier les règles d'obtention et d'en assouplir les conditions d'utilisation dans un contexte marqué, pour les États membres, par de fortes contraintes budgétaires ;
S'interroge sur le souhait de la Commission de conditionner l'octroi des fonds structurels aux États membres à l'existence et à la mise en œuvre des stratégies nationales d'intégration des Roms, en soulignant que cette conditionnalité pourrait, à terme, porter préjudice aux projets menés en faveur des Roms ;
Soutient la proposition de la Commission que 20 % des ressources du Fonds social européen soient affectées à l'objectif d'inclusion sociale, qui peut contribuer au financement des politiques d'intégration des Roms ;
– Concernant la coordination entre les pays dits « d'origine » et les pays dits « d'accueil » des populations roms :
Considère qu'une meilleure coordination entre les pays « d'origine » et les pays « d'accueil » des populations roms est nécessaire, dès lors que les migrations ont souvent été motivées par les difficultés économiques et sociales, ainsi que les discriminations rencontrées par les Roms dans les pays « d'origine », empêchant encore aujourd'hui la possibilité d'un retour de ces populations ;
Estime qu'il appartient, d'une part, à l'Union européenne de faciliter cette coordination et, d'autre part, aux États membres de conclure des accords sur une base bilatérale ;
Souhaite que l'aide à l'insertion économique devienne un instrument privilégié des partenariats entre pays « d'origine » et pays « d'accueil », cet instrument ayant fait la preuve de son efficacité et s'inscrivant dans le cadre d'un projet de vie des bénéficiaires ;
– Concernant les politiques nationales :
Rappelle que la finalité des politiques nationales d'inclusion des Roms doit être l'intégration dans le droit commun ;
Exprime des réserves à l'égard de mesures de discrimination positive uniquement destinées aux Roms, qui risqueraient d'accroître le ressentiment et les préjugés à l'encontre de ces populations ;
Recommande, en conséquence, aux États membres d'appliquer aux Roms les politiques destinées aux populations en situation de grande précarité, de mieux sensibiliser les Roms à leurs droits par le recours aux médiateurs et de former davantage les agents publics à la problématique rom ;
– Concernant la politique de la France à l'égard des Roms :
Salue la nomination d'un délégué interministériel chargé des questions relatives aux Roms et la nouvelle approche du Gouvernement français, davantage centrée sur les droits humains, retenue dans la circulaire du 26 août 2012 ;
S'inquiète de la multiplication des démantèlements de campements illicites ces derniers mois, qui renforcent la précarité à laquelle les populations roms sont confrontées ;
Rappelle que l'intégration des Roms passe prioritairement par l'emploi et le logement ;
Demande, par conséquent, au Gouvernement de :
– lever les dispositions transitoires applicables aux ressortissants roumains et bulgares concernant leur accès au marché du travail, qui apparaissent comme des restrictions inutiles, dès lors que la liste des métiers qui leur sont accessibles a déjà été étendue à 291 métiers et qu'il devra être mis fin à ces dispositions, en tout état de cause, le 31 décembre 2013 au plus tard ;
– veiller à ne procéder aux expulsions de campements roms qu'une fois qu'un diagnostic des besoins aura été réalisé et que des solutions de relogement appropriées auront été proposées, comme le prévoit la circulaire du 26 août 2012 ;
– se montrer prudent avec la politique des villages d'insertion qui, s'ils ne sont pas ouverts à l'ensemble des populations en situation de grande précarité, contribuent à renforcer la ségrégation des populations roms, et doivent nécessairement être conçus comme une politique transitoire préparant l'accès au droit commun ;
– faciliter l'accès au logement social des populations roms en veillant à ce que les discriminations dont ils sont aujourd'hui victimes soient levées ;
– supprimer l'aide au retour dont peuvent bénéficier aujourd'hui les ressortissants d'un pays de l'Union européenne, qui crée un appel d'air préjudiciable, en lui substituant l'aide à l'insertion.
Devenue résolution du Sénat le 18 janvier 2013.
                                                                  Le Président,
                                                         Signé : Jean-Pierre BEL

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