samedi 15 décembre 2012

Alex

Il y a 3 jours, Alex est né. Aujourd'hui était programmée sa sortie de la maternité d'Evry. En catastrophe, nous sommes allés acheter un couffin ce matin pour, à midi pile, le réceptionner en douceur poussé dehors qu'il était (déjà) par l'administration hospitalière (sic).

Avec Alina et Alain, ses parents, nous nous rendons à Viry-Châtillon car, m'apprennent-ils, l'assistante sociale de l'hôpital a réservé pour eux une chambre dans un hôtel. J'appréhende secrètement, imaginant le pire quant à ce que peut être une chambre en hôtel social. Nous nous engageons cependant avec enthousiasme portés par Alex, parfaitement serein dans son couffin de compétition. J'apprends en chemin que l'assistante sociale a placé un caillou dans la chaussure des jeunes parents : si elle a bien réservé une chambre dans un élan de bonté somme toute élémentaire, elle n'a réservé qu'une place pour un adulte. Autrement dit : le père n'est pas admis à l'abris, auprès de son enfant. Un bras me tombe, mais nous poursuivons.
Nous arrivons sur place, et faisons face à un immeuble banalement lugubre. Un détail : l'enseigne où s'inscrit "Sporting hôtel" paraît indiquer l'entrée d'une boîte de nuit du Marais où d'un hôtel californien des années 70. Qu'on nous raconte avec si peu de mesure que l'ambiance est joyeusement pop cache évidemment quelque chose. Nous entrons quand même, et pénétrons quelques couloirs au carrelage jaune pisseux, à l'étroitesse radicale, et au parfum incertain. Puis la concierge, assortie à l'hôtel, et la chambre, assortie à la concierge.
Le père, qui n'est donc pas autorisé à rester la nuit avec sa petite famille, doit partir sur le champ acheter des couches qu'ils n'ont pas, puis faire la manche pour rapporter à manger ce soir. Qu'il lui faille partir et laisser sa femme encore assommée par l'accouchement seule avec son nouveau né tombe bien, puisque, alors qu'il n'est que 13h, sa visite n'est autorisée qu'entre 15h et 19h30. Et encore, insiste la concierge, ici on n'autorise pas de visites en règle générale et on n'acceptera donc personne d'autre que le père, à condition d'ailleurs qu'il fasse peu de bruit. Je fais semblant de croire que tout va bien aller, les laisse tranquille et me rassure en me disant qu'ils n'ont "droit" à cela que deux semaines. En sachant que le contribuable paie au moins 2 000 euros par mois pour tel luxe.




Il est 16h, le bidonville est en ébullition : des sacs de 100 litres, remplis de déchets innommables, partent en brouette par dizaines pour rejoindre la camionnette prêtée par des riverains pour acheminer le bazar jusque dans les déchèteries les plus proches. Travail de fourmis et de titans tout à la fois. La place se fait nette peu à peu, et l'éclaircie s'installe, dans le ciel, sur le sol, comme dans les regards. Parallèlement, l'atelier découpe réunit une quinzaine de personnes au travail de fabriquer des toilettes sèches. Ici ou là, des amis venus en  RER de Paris, des riverains débarqués là par le bouche à oreille, des membres des associations, des forces vives et encourageantes.




Il est 17h, et j'apprends qu'Alex est des nôtres, tout emmitouflé à deux pas du chantier, dans la baraque de ses parents où vivent aussi les grands parents, le frère et la soeur d'Alina ainsi que la fille de cette dernière âgée de 4 ans. C'est que les parents ont découvert, après mon départ, que la chambre que la collectivité a daigné leur offrir était tout à fait dépourvue de chauffage d'une part, et que les toilettes étaient à l'étage inférieur d'autre part, ne laissant que peu de possibilités à la mère seule d'y aller. Navrée, mais soulagée aussi d'envisager ces jours à venir parmi sa famille, Alina a décidé de ramener Alex dans le bidonville. Ici, il sera au chaud, entouré comme il le mérite. Apprenant cela, on s'acharne d'autant plus activement contre les déchets et les rats : Alex est un peu né sur le territoire du PEROU, et notre constitution nous impose qu'à tel petit d'homme la plus généreuse des hospitalités soit offerte. Contrairement à ce qui a cours dans d'autres contrées.



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