Pendant que les toilettes continuaient de se monter, sous la direction de Célia David-Mauduit, et que l'Ambassade faisait sa place à l'endroit même où, une semaine plus tôt, s'élevait une innommable montagne de déchets, la police municipale faisait une apparition singulière. En lisière du bidonville, sur les bords de la Nationale 7, s'étaient accumulées trois ou quatre dizaines de sacs de 100 litres, résultat de la campagne de nettoyage de la veille. En effet, malgré l'efficacité de l'assemblée et des aller-retours du camion dimanche matin, nous nous étions retrouvés avec une charge sur les bras à midi. Alors, en ce lundi matin, les voitures pouvaient contempler une partie des sacs poubelles visibles depuis la route. C'est donc la raison qui a fait venir une équipe municipale d'abord photographier la chose, laissant augurer une réprimande ou on ne sait quelle action peu amicale. Mais, quelques heures plus tard, une équipe de nettoyage s'est discrètement à son tour approchée du petit monticule et, escortée par une voiture de police, a chargé les sacs inconvenants. Avant qu'ils ne partent sans doute vers les même décharges que la veille nous avions alimentées, nous les avons interrogés amicalement, somme toute très heureux qu'ils viennent en quelque sorte prêter main forte. Eux de répondre, à notre plus heureux étonnement, qu'il faudrait désormais que nous nous organisions pour ne plus que telle situation se reproduise. Nous avons donc noté : la Mairie souhaite une organisation de l'évacuation des déchets et, semble-t-il, consent à participer à celle-ci.
Voilà qui dessine un chemin nécessaire, celui d'une relation de travail avec la puissance publique qui permette, enfin, que l'on sorte de la logique infernale d'une hostilité caractérisée et absurde. Ramasser les déchets est un violent tabou : c'est, raconte-t-on à l'envi, contribuer à la "fixation" de ces indésirables. Il en est de même de l'eau : alors que les principes les plus fondamentaux exigent de faciliter l'accès l'eau, on a coutume de refuser l'installation d'un point d'eau au prétexte que, flanqués d'un robinet sur leur site, ces familles malpropres s'encrouteraient alors, ivres d'un tel confort. Rien, absolument rien, ne permet de défendre de telles positions. Du point de vue du droit d'abord, condamner des familles entières à cohabiter avec les rats et à ne pas pouvoir simplement se laver est injustifiable et criminel. Mais du point de vue que les autorités prétendent adopter, à savoir de celui qui exige que les familles quittent les lieux, telle politique s'avère également insensée : enfoncé dans la misère, on n'y échappe pas et la reconduit à deux pas de là, sur le premier terrain venu après le coup de pelleteuse. Condamné à la misère, on y reste. Alors, rendre la vie simplement moins terrible, et permettre aux personnes de jouir du plus sommaire des conforts, c'est peut-être créer les conditions d'une sortie du bidonville que personne, Roms ou pas Roms, ne désire connaître sa vie durant. Telle est la simple perspective du PEROU : améliorer les conditions de survie ici et maintenant afin qu'ailleurs, autrement, une vie puisse enfin avoir lieu.
Détail de l'intérieur de chez Ion et de sa famille : une dizaine de m2 pour lui, sa femme et leurs trois enfants |
NB : Demain, du matin au soir, nous construisons. Le monde entier est convié au chantier, qui est une fête. Pire : nous avons besoin du monde entier pour que ce chantier soit une fête.
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